Comme les rois mages…
J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer : Sheila avait raison ! Souvenez-vous, elle chantait : «Comme les rois mages en Galilée suivaient des yeux l’étoile du berger, je te suivrai où tu iras, j’irai fidèle comme une ombre jusqu’à destination… » Hé bien, oui, cher amis, en fait Sheila était un peu comme Monsieur Jourdan… elle faisait de la théologie sans le savoir, à condition qu’on comprenne bien ce qu’elle voulait dire. Mais au fait, s’il faut faire « comme les rois mages » : les rois mages, qui sont ils ? Sont-ils des magiciens, tout droit sortis d’Harry Potter ou du Seigneur des Anneaux ? Des touristes égarés, appareil photos à la main, qui ont vu de la lumière et se sont dit, qu’ils pouvaient aller voir là-bas, ce qui se passait ?
Et bien, non. Sheila le disait : les rois mages sont d’abord des hommes attentifs, qui ont les yeux ouverts. Nous avons tous déjà fait l’expérience de la difficulté de marcher dans le noir : on y va à tâtons, on se tient au mur, et petit à petit, nos yeux s’habituent à la lumière du jour. Les mages, à leur manière, ont ouvert leurs yeux dans le noir. Ils ont vu se lever une étoile nouvelle. Ils ont été attentifs. Et bien, voilà une qualité qu’il nous faudrait imiter chez les rois mages : avoir les yeux ouverts, être attentifs à la présence de Dieu dans notre monde. Ils ont vu dans une petite étoile, qu’il y avait là un chemin, pour découvrir la lumière véritable. Rendez-vous compte, ils avaient le cœur suffisamment ouvert pour se dire : cette étoile-là n’est pas normale, elle nous appelle à aller pour plus, à venir découvrir le mystère qui se cache. Et une fois le signe découvert, ils se mettent en route sans tarder. Pour découvrir le Christ, il faut commencer par sortir de sa maison et de soi-même. Comme Jadis Abraham a dû quitter son Orient pour devenir le père d’Israël… pour trouver le Christ, il faut partir. « Viens » dit-il à ses Apôtres. Parfois, nous ne savons pas quoi faire pour que grandisse notre vie spirituelle, pour que change notre vie chrétienne ; alors nous attendons qu’il se passe quelque chose, et on risque d’attendre longtemps… « le secret de l’action, c’est de commencer » : faire ce premier pas, même si on ne sait pas, où il nous mènera, se mettre en mouvement. Un tout petit pas, et nous découvrons que nous en sommes capables.
Et bien, frères et sœurs, réjouissez-vous, car pour vous, ce premier pas est beaucoup plus facile que pour les mages : pas besoin de faire des études de physique ou de regarder tous les épisodes de « C’est Pas Sorcier », car l’étoile est venue, et elle a un nom. C’est le Christ lui-même. En réalité, ce qu’on découvert les mages attentifs, c’est la présence du Christ dans le monde. Parce que l’Épiphanie, c’est d’abord cela : Jésus est manifesté au monde !
La seconde attitude des mages, c’est celle de l’Adoration. Ils ne viennent pas à la crèche juste pour faire du tourisme, ou retrouver des copains. Non, ils ne connaissent pas Jésus, Marie et Joseph. Ils viennent adorer un roi. Ils pensaient trouver le roi dans un Palais d’or et d’argent à Jérusalem. Échec, c’est dans une crèche de Bethléem qu’ils le découvrent. Parce que quand Dieu se fait roi, ce n’est pas à la manière des hommes. Dans quelques minutes, nous célébrerons le baptême du petit Guilhem. C’est une joie pour toute sa famille, c’est certain. Par le baptême, il va être marqué de l’onction royale. Il va ressembler au Christ roi, que les mages viennent adorer. Ce ne sera plus tout à fait votre enfant : il va devenir enfant de Dieu. Il va devenir Roi à la manière du Christ et portera désormais le beau nom de « chrétien ». Et d’une certaine manière, chère Domitille et cher Sébastien, c’est votre enfant que vous venez présenter en ce jour, en cadeau à la crèche de Bethléem.
Les mages, eux aussi, n’ont pas oublié les cadeaux de naissance : quand ils entrent dans la crèche, ils délaissent tout et ne pensent qu’à l’enfant. Même les présents qu’ils apportent ne sont dirigés que vers l’enfant, dont ils reconnaissent déjà tous les traits :
- Ils célèbrent sa royauté en offrant de l’or : malgré la pauvreté de l’accoutrement de la sainte famille, ils discernent le véritable Roi de Jérusalem « le prince de la paix », celui dont « le règne n’aura pas de fin ».
- Ils célèbrent sa divinité, en offrant de l’encens : symbole de la prière qui monte vers le ciel et de la bonne odeur du Christ.
- Ils célèbrent déjà sa mort, en offrant de la myrrhe, parfum précieux avec lequel on embaumait les morts.
Lorsque ils adorent, ils ne viennent pas d’abord avec des cadeaux qui leur ressemblent. Ils viennent avec des cadeaux qui parlent de lui. Adorer, c’est d’abord se laisser illuminer par le Christ, c’est le regarder, le contempler et reconnaître ce qu’il est vraiment… D’ailleurs, quand les mages entrent dans la crèche, nul discours sur leurs origines, leurs problèmes ou leurs joies mais leurs gestes parlent : ils se mettent à genoux, contemplent le roi et offrent leurs présents. Quelle belle attitude pour nous aujourd’hui !
La troisième attitude en ce jour nous est offerte à nouveau par Sheila. « je te suivrai, où tu iras, j’irai, fidèle comme une ombre jusqu’à destination ». Parce qu’après être venus à la crèche, nos amis les mages décident de passer par un autre chemin. Non pas que les bouchons et les grèves les auraient empêché de repartir par le même trajet et que leur GPS préféré les aurait orienté ailleurs, mais plutôt que le GPS intérieur était fixé sur une autre réalité. En rencontrant le Christ dans les crèches, les mages changent d’optique intérieure, c’est désormais la voix du Christ qu’ils veulent suivre. On ne sait pas ce qu’ils sont devenus dans l’histoire. Mais ce petit détail : « ils répartirent par un autre chemin » doit nous interpeler. Les baptisés à l’âge adulte le savent bien. Leur vie peut basculer. Thierry Bizot, producteur de TV athé qui rencontre le Christ dans des circonstances improbables en a témoigné dans un livre : catholique anonyme puis dans un film « qui a envie d’être aimer ». Celui qui adore vraiment le Christ devant la crèche doit s’attendre, à ce que sa vie soit changée : je ne peux pas vous dire comment, mais je peux vous promettre que celui qui n’a pas réduit Noël à la fête des enfants, le premier janvier à la fête de la paix et l’Epiphanie à la galette de Rois goûtera la saveur véritable du mystère, que nous célébrons ces jours-ci. Non pas l’avènement du règne de l’huitre gluante, mais le mystère d’un Dieu qui se révèle, c’est-à-dire d’un Dieu qui se donne à connaître et à aimer.
Puissions-nous, nous aussi, en ce jour d’Epiphanie faire l’expérience de nous mettre en route, d’adorer Dieu avec notre corps et notre âme, et d’y recevoir que Dieu lui-même guide nos pas dans l’avenir pour trouver une route que nous ne connaissons pas encore, mais qui mène certainement à la joie parfaite, car c’est Dieu qui nous la donne.