Sacrée raclette pour une sacrée famille
Franchement entre nous soit dit fêter la Sainte famille c’est un peu étrange. « Et puis mon père ce n’est pas Jésus Marie et Joseph qui vont nous donner des leçons »… Car dans leur genre, ils sont un peu étranges … il y a la mère qui est Vierge, le père qui est chaste et pas vraiment le père, le fils qui est Dieu, le cousin qui ressemble à un homme de croc-magnon et se nourrit de sauterelles sauvages, il y a l’oncle qui a été muet plusieurs mois… C’est une famille de fous, voilà tout ! On est loin de l’image bien policée de la famille tranquille, selon Walt Disney « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ».
Et pourtant, frères et sœurs, l’Église nous invite à fêter la sainte famille. C’est sans doute qu’il y a plus à tirer pour nous qu’une imitation bête et méchante. J’ai donc le regret de vous annoncer chers parents, que vos enfants ne sont pas pleinement homme et pleinement Dieu, et à vous chers enfants, que maman n’est pas l’Immaculée Conception.
Et pourtant « La sainte famille… », c’est qu’il doit y avoir un rapport avec nous tout de même…
mais lequel ?
Pour essayer de répondre à cette question, j’aimerais vous en poser une autre : avez-vous déjà discuté de la sainteté en famille ? Du dernier portable à acheter certainement, de la grève, de la réforme des retraites, de la meilleure piste de la station pour faire un bon chrono, de la meilleure raclette de la station … mais de la sainteté ? Je conviens que ce n’est pas le genre de sujet qui s’impose naturellement après une journée de travail ou de ski entre l’arrivée des pommes de terre et de la charcuterie de la raclette, entre le journal de 20h et les devoirs. «Bon, les enfants, et si on parlait de la sainteté dans notre famille?» L’accueil unanime est garanti : un grand silence tombe autour de la table… Et Baudoin, 15 ans, se dit en lui-même: «ils vieillissent grave les parents» en s’enfonçant dans son tee-shirt pour disparaître sous la table, tandis que son papa se dit qu’il reprendrait bien un petit coup de blanc.
Alors, j’ai une bonne nouvelle pour vous déjà : c’est que l’église en bonne mère nourricière donne à contempler une vraie famille, une famille de saints, la sainte famille de Jésus, Marie et Joseph.
On se dit régulièrement que bon « mon père, la sainte famille… un peu facile, elle Immaculée Conception, lui très saint et le fiston Dieu fait homme… » c’est loin de la vraie vie de chez nous. Et bien au contraire, la vie de la sainte famille de Nazareth était très proche de la nôtre : la vaisselle, le ménage, les jeux et l’école, les repas et la prière ponctuaient la vie familiale. J’en suis sûr que s’ils avaient vécu à notre époque et sous nos lattitudes, ils se seraient réunis autour d’une bonne raclette… Et tout saint qu’ils étaient, ils n’ont pas moins subi d’épreuves. L’Evangile de ce dimanche en est une preuve éloquente : voilà Marie et Joseph contraints de fuir leur pays pour échapper à une menace de mort immédiate et directe. Quelques années après, ils font face à la fugue de leur fils Jésus, à l’âge de 12 ans, avant que Marie, devenue veuve, ne surmonte l’épreuve suprême de la Passion. La sainte Famille, ce n’était pas du tout-cuit. Ne nous disons pas un peu vite que c’était facile d’être le papa ou la maman de Jésus, parce que Jésus était un petit ange. Non, Jésus n’était pas un petit ange, mais un petit enfant qui avait à devenir un homme, et qui avait besoin de ses parents pour cela. Joseph et Marie n’ont pas été des parents à moitié, tout simplement parce que Jésus n’était pas enfant à moitié. Et Saint ou pas saint… être parent, c’est difficile ! Marie et Joseph n’avaient pas la science exacte de la parentalité en eux-même. Si Dieu a sanctifié Marie et Joseph, ce fut pour qu’ils soient capables d’accueillir Dieu en personne dans leur vie, d’accueillir Jésus petit enfant, de le guider, de l’éduquer afin que, devenu adulte, il sauve les hommes.
Dans la sainte famille, comme dans nos familles, chacun a été la cause de la sanctification de l’autre. En supportant ses faiblesses avec patience, en faisant grandir les plus jeunes avec amour, en étant les uns pour les autres, la source de l’amour. En réalité la vie de famille est un excellent lieu de sainteté : supporter ses parents ou ses enfants, se donner sans réserve pour aider l’autre, choisir l’amour en premier. C’est une école de la vie ordinaire. Mais, comme disait si bien Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : « j’ai choisi l’amour du Seigneur dans chaque chose ordinaire, alors je mettrai tant de cœur à les rendre extraordinaire ». L’amour du Seigneur, chaque chose ordinaire, tout est là. La fête de ce jour nous invite à ne pas renoncer à l’ordinaire mais à choisir que celui-ci puisse être source de joie et de grâce ! Vivre une vie de famille en chrétiens, avec l’amour du Seigneur. C’est se sanctifier. Les uns par les autres, les uns pour les autres. La raclette de votre semaine de vacances est un excellent exercice de sainteté : vais-je chercher à prendre la meilleure cassolette, en piquant celle de mon frère ? ou vais-je chercher à ce que l’autre bénéficie de la meilleure part de charcuterie ? … vaste question… de sanctification en famille ! Marie a grandi en sainteté dans ce contact permanent avec son mari et son fils. Et de même pour Joseph. Et de même pour Jésus, qui a grandi en humanité par l’attention constante de ses parents. Ensemble, ils ont appris à se mettre au service du plus grand dessein de Dieu, le salut du monde. Ensemble, ils se sont laissés transformer par le mystère de Dieu fait chair pour sanctifier tous les hommes.
La sainte famille, c’est cela : un lieu où Jésus, Marie et Joseph ont grandi les uns par les autres. Que serait devenu Jésus sans l’attention prévoyante de Joseph, qui emmène toute la famille en Egypte ? La famille, c’est l’espace de notre vie où peut rayonner quelque chose de l’amour de Dieu. Et en même temps, la proximité, voire la promiscuité en fait aussi un lieu de combat spirituel très fort. En cette fête de la sainte famille, comment ne pas avoir de la compassion pour ceux qui ont une famille déchirée ou blessée ? Pour ces couples qui se sont séparés, pour les enfants abandonnés, pour les familles qui souffrent. En ce temps de Noël, demandons au Seigneur la grâce de la paix pour nos familles. Et peut-être comme un petit exercice concret, apprenons à remercier, à dire, à parler pour remercier nos parents de nous aider à grandir, nos enfants de nous émerveiller et de nous aider à nous sanctifier (si, si, même les ados !). Pour découvrir que le mystère de la sainte famille se vit déjà un peu dans votre famille.
Un ami prêtre me disait souvent : « soyons saints, le reste, on s’en fout ». Ainsi donc, soyons des familles de saints, formons des saintes familles… le reste, on s’en fout.