Choisir !
Voilà bien un évangile dont on aimerait se passer. Vous savez, ces évangiles un peu poil à gratter, dont Jésus seul a le secret. On aimerait secrètement ne jamais les avoir entendus, parce qu’ils nous dérangent un peu. Rassurez-vous, les contemporains du Christ ont eu un peu la même réaction. Ils attendaient un geste prophétique et puissant, ils se disaient qu’enfin Jésus allait pouvoir agir avec éclat… et voilà qu’ils entendent et nous avec, qu’il faudrait renoncer à sa famille pour suivre Jésus ? Non, mais c’est tout de même un peu fort de café tout cela ! «Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, … jusqu’à sa propre vie, ne peut pas être mon disciple» «Quiconque ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut pas être mon disciple» «quiconque … ne renonce pas à tous ces biens ne peut pas être mon disciple». Inaudible. Renvoyons le directeur de la communication, retournons à notre vie de famille tranquille et oublions cet égarement de Jésus…
En fait, ce qui nous dérange dans cet Evangile, c’est qu’il sonne vrai au fond. Car Jésus veut des disciples qui s’engagent à fond, des disciples qui ont fait le choix de le suivre.
Voilà la clef, chers amis. Choisir ! Je me souviens de cette petite maxime, que j’ai appris il y a bien des années mais que, décidément, je trouve très vraie : « Aimer c’est choisir, choisir c’est préférer, et préférer c’est renoncer ». Qui fait du tennis le mardi à 18 h ne pourra pas aller à l’adoration sur le même créneau… c’est une vérité toute simple.
Etre disciple de Jésus, c’est donc choisir de suivre le Christ. Choisir, décider, s’engager. Je suis frappé par le nombre de personnes, des jeunes ou des moins jeunes qui ne décident pas, qui ne s’engagent pas, qui ne choisissent pas. C’est une maladie de notre temps. Une maladie spirituelle. Organisez un événement paroissial ou estudiantin et vous verrez « je vous dirai, on verra… » au fond la question c’est toujours un peu « n’ai-je pas mieux à faire ? ne puis-je pas espérer une meilleure soirée ».
Frères et sœurs bien aimés : avons-nous vraiment fait le choix d’être chrétien ? Du fond de notre cœur. Ou bien sommes-nous des chrétiens d’habitude ? Qui vont à la messe parce que c’est comme ca ? Parce qu’on a toujours fait comme ca. Ou bien sommes-nous décidés à suivre le Christ de plus près ? Les apôtres, les Pierre, Jacques, Jean n’étaient pas les meilleurs des meilleurs mais ils ont accepté de faire confiance au Christ : en premier et par dessus tout.
Dans leur vie, cela leur a valu des moments de proximité exceptionelle : nous pouvons penser à Jean qui repose sur le cœur de Jésus, ou encore la gloire de la transfiguration. Mais aussi des moments, où ils ont choisi de suivre Jésus de plus près en sa passion : c’est Etienne qui est lapidé pour Jésus ou Pierre crucifié.
Enfin bon mon Père, vous êtes jeune et gentil, nous n’avons pas tous une vocation de martyr. Et puis mes enfants, mes parents ont encore besoin de moi. Et puis la vie chrétienne n’est pas du masochisme non plus… non vraiment, ce n’est pas raisonable.
Saint Benoit a une formule fulgurante, qui est sa devise : « ne rien préférer à l’amour du Christ ». Le problème c’est que lorsque l’on entend parler de choisir le Christ, de le préférer à sa famille, on pense d’emblée qu’en donnant la première place à Jésus on perdrait tout ; au contraire, en lui donnant la première place nous sommes transformés et avec l’aide de sa grâce, nous pouvons ordonner notre vie en fonction de ce que Jésus a manifesté : aimer nos parents, notre femme ou notre époux, dans le Seigneur. Avoir des biens sans y laisser engloutir notre âme, pour qu’ils nous servent, pour qu’ils portent du fruit en abondance. Prendre notre souffrance, nos croix, et le suivre. N’opposons pas trop vite nos amours de la terre et le Christ, mais regardons-les dans le prisme du Christ !
Pour nous aider à cette radicalité, on peut jeter un œil du coté des couvents et monastères. De ces hommes et de ces femmes, pas meilleurs que nous, dont la vie n’est pas idéale, mais qui ont choisi de suivre Jésus d’une manière plus radicale. Il ne s’agit pas de jalouser ou d’opposer ou de se dire : « pour eux, c’est facile car ils sont dans un monastère » : chacun contribue à édifier l’Eglise à sa façon.
En ce dimanche le Seigneur nous demande : quelle est ma place dans ta vie ? Une surcouche ? un ajout par dessus ? ou quelque chose de fondamental ?
A n’importe quel âge on peut faire le choix radical de suivre Jésus.
Le Seigneur tout au long de l’année nous offre des exemples de personnes qui ont choisi de suivre le Christ avec toute leur vie : ce sont les saints. Chacun à leur manière, ils ont incarné le choix de l’Evangile, ils ont choisi le Christ par dessus tout. Pourtant, Sainte Geneviève ne délassa pas l’action politique, les Bx époux Quattrochi n’ont pas abandonné la vie conjugale pour autant, et le Bx Pier Giorgio Frassati faisait du théatre et des balades en montagne avec ses amis étudiants.
Frères et sœurs bien-aimés, en ce dimanche, demandons au Seigneur la même ardeur que nos compagnons les saints à suivre : Jésus de tout notre cœur, en premier et par dessus tout. Car tout le reste en sera transfiguré et ainsi notre vie sera batie sur le roc !