Les temps nouveaux
Quand on entend un tel Evangile, on peut immédiatement penser aux meilleures chansons du genre, à commencer par Céline Dion : « S’il suffisait qu’on s’aime, s’il suffisait d’aimer… » ou à Johnny Hallyday : « Que je t’aime »… non parce que après tout, mon père, vous comprenez Jésus il a rien inventé : « s’aimer » ça fait depuis le nuit des temps que toutes les religions nous parlent d’amour alors bon dire « je vous donne un commandement nouveau… » il a rien de nouveau ce commandement-là…. Et puis d’ailleurs, c’est facile pour Jésus de dire « aimez-vous les uns les autres »… mais bon dans la réalité c’est un peu plus compliqué tout de même. Je vous le dis mon Père, y a la voisine elle écoute la musique jusque pas d’heure… c’est insupportable, comment voulez-vous que je l’aime celle là hein ? « Vous savez mon père, la vie n’est pas un long fleuve tranquille dans nos quartiers ».
Pourquoi le commandement de l’amour de Dieu est du prochain est-il si nouveau ? Parce que le Christ ne s’est pas contenté de le dire il l’a vécu. Il a donné sa vie sur la croix par amour pour nous. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». N’en déplaise à Céline Dion et à Johnny, l’amour n’est pas simplement un sentiment. L’amour chrétien, c’est d’abord imiter le Christ qui a donné sa vie. C’est à dire qui s’est oublié lui-même, par amour de son peuple. La croix, c’est le signe indéfectible de l’amour de Dieu. Non pas un amour sensible, gélatineux, mais un amour véritable : un don total.
Notre espérance : la Jérusalem nouvelle
Voilà l’objectif, voilà le chemin de l’amour véritable. Vous me direz sans doute que ce n’est pas si facile, que dans notre monde, les gens sont hostiles aux chrétiens, qu’on n’accueille pas autour de vous ces messages d’amour et de paix… et parfois vous aurez raison. Mais notre espérance ne se situe pas dans les choses d’ici-bas mais bien dans la Jérusalem du ciel. Nous l’avons entendu dans la seconde lecture : « et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur ». Oui, frères et sœurs bien aimés, notre espérance est de vivre, un jour dans la création réconciliée. Célébrer le temps pascal c’est cela : croire que la puissance de la résurrection peut changer toute chose dans ce monde. Qu’un jour, nous sommes appelés à vivre dans la plénitude de Dieu. Mais pas seulement nous tout seul, parce que nous serions des bons chrétiens, mais la création toute entière. Notre espérance est là !
Notre espérance c’est que le Seigneur « vient faire toute chose nouvelle ».
Être dans le monde sans être du monde
Nous pourrions croire que cette réalité là c’est pour plus tard. Lointainement. Quand on sera mort. Mais qu’en attendant, on est plongé dans les affres des réalités de la terre, et que le monde va mal.
Les lectures d’aujourd’hui nous invitent je crois à vivre une autre parole du Christ : « vous êtes dans le monde, mais vous n’êtes pas du monde ». Autrement dit : oui, vous êtes plongés dans le monde d’ici bas. Avec votre voisine acariâtre, le chômage, les difficultés économiques ou familiales, les scandales divers et variés… oui et être chrétien ce n’est pas se rêver en dehors du monde. Jésus n’a pas choisi d’aimer en dehors du monde, il a aimé ce monde là. Il est venu dans notre réalité à nous, dans notre monde à nous. Autrement dit, c’est ici et maintenant que nous sommes appelés à témoigner du Christ. Pas dans un futur hypothétique. « Ah mon père, vous savez le monde est méchant alors moi j’aimerai comme chrétien dans le monde futur, quand enfin le monde suivra Jésus ». Vous êtes dans le monde. Et c’est dans ce monde là que vous êtes appelés à témoigner du Christ. Paul et Barnabé, dont on entendait parler dans la première lecture l’ont bien compris : « Il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu. ». Ils ne vivaient pas dans un monde de bisounours où tout était beau et gentil. Il en sont morts, martyrs, c’est à dire témoins du Christ.
Oui vous êtes dans le monde d’ici bas, mais votre espérance, votre cœur, votre désir doit aller vers le Ciel. Nous devons espérer cette Jérusalem céleste. Aspirer de toute nos forces à ce qu’effectivement advienne dans nos vies la puissance et vouloir donc se nourrir de la réalité de la vie du ciel.
Un chrétien doit avoir les pieds sur terre, et la tête et l’âme dans le ciel divin. Pourquoi ? tout simplement parce que c’est ce que Jésus a vécu : uni à son Père, et pleinement connecté à la vie humaine.
Très concrètement, cela veut dire qu’un chrétien doit s’engager dans la vie de la cité : au service des plus pauvres des plus petits, dans son immeuble, dans son quartier. Et ce n’est pas parce qu’une activité n’est pas estampillée « catholique » qu’elle n’est pas belle ou bonne. Mais pour autant le chrétien sait que le bonheur véritable, la source ultime de sa motivation est dans le ciel. Il sait que malgré tous les efforts qu’il peut faire ici bas, ce qui fera vraiment avancer notre monde c’est l’accueil du Christ ressuscité dans sa vie, et dans la vie des gens qui lui sont proches.
Etre dans le monde, sans être du monde, c’est donc aspirer de toutes ses forces humaines à transformer notre monde d’ici bas pour qu’il vive un peu plus du Christ et en même temps, que nos références, notre désir profond, ne soit pas simplement une perspective humaine : de salaire, de télévision, de loisir, de consommation, mais bien le désir de la Jérusalem Céleste.
Demandons donc au Seigneur de nous aider à maintenir ce paradoxe tout chrétien d’être à la fois pleinement engagé dans le monde tout en aspirant de toute nos forces à l’autre monde, celui où nous verrons Dieu face à face.