Consacrés ?
La scène de l’Évangile que nous venons d’entendre ne s’adapte pas très bien à un mois de janvier. On l’aurait volontiers entendue en août où la Seine à Melun accueille dans ses eaux quelques adeptes de la baignade… Le cinéma, lui, regorge de scènes mythiques de sortie de l’eau. Les fans de James Bond se souviennent sans doute de la sortie d’Ursula Andress dans James Bond contre Dr No (1962), ou encore d’Alain Delon dans le film La piscine (1969). Les plus jeunes d’entre nous préféreront sans doute la sortie d’Harry Potter de l’eau du lac dans Harry Potter et la Coupe de Feu.
Mais aujourd’hui, au diable les mythes. Oublions les Alain, Ursula, et autres Harry c’est le baptême du Christ ! Et là, c’est pas du mythique. Le Christ est bel est bien descendu au Jourdain. Il a bel et bien été baptisé par Jean. Il est bel et bien remonté des eaux et la voix du Père s’est fait entendre.
Si le Christ est baptisé ce n’est pas pour faire joli ou nous fournir un sujet agréable pour la peinture du 17èmesiècle… mais pour poursuivre la logique de Noël. Dieu se fait homme pour nous ouvrir une voie nouvelle : celle du Salut. Le baptême c’est la porte d’entrée pour nous. Et le Christ le premier l’a franchie. Les pères de l’Église enseignent que si le Christ est descendu dans les eaux c’est précisément pour sanctifier les eaux du Jourdain, au point que si l’on baptise un enfant avec de l’eau du Jourdain… la liturgie prévoit que le prêtre ne bénisse pas l’eau.
Ainsi donc, le début du ministère du Christ commence par le baptême. Il est bon en ce début d’année 2019 de nous rappeler cela : être chrétien ce n’est pas, et vous m’avez souvent entendu le dire dans cette église, vivre d’une morale ou être quelqu’un de bien. Être chrétien c’est être conforme au Christ, c’est-à-dire littéralement oint, consacré. Au jour de son baptême, le Christ est marqué par l’Esprit Saint au point que l’Écriture nous fait lire « l’Esprit du Seigneur est sur moi car il m’a consacré par l’onction ».
Oui, Frères et sœurs bien aimés, si nous sommes là dans cet église c’est que, nous aussi, nous avons été choisis et marqués du sceau de l’Esprit Saint. Dans notre monde, et dans notre église il est des êtres qui ont choisi de vivre cette consécration baptismale du manière particulière : ce sont les consacrés, qu’ils soient prêtres, religieux, religieuses, moines…
A leur propos, on entend souvent que « l’Église est horrible car elle force les jeunes à renoncer à aimer ». Mais qui pourrait dire cela ? qui pourrait interdire d’aimer ? On est fait pour aimer. Dieu est amour a-t-on entendu quasiment dans chaque lecture du temps de Noël. Le consacré, le prêtre, la religieuse est appelé à renoncer à aimer d’une manière naturelle pour aimer d’une manière surnaturelle à la manière du Christ. Le prêtre et le consacré renoncent à avoir des enfants qui soient les siens pour être totalement donnés à ceux auxquels il sont envoyés : « Être tout à tous, pour en sauver quelque-uns » (pas toutatis)…
Autre idée reçue : que la vocation consacrée ce serait pour des gens bizarres. Faites l’exercice. Comme prêtre allez voir une troupe de scouts en leur disant : « parmi vous, il y a mon successeur » … que vont-ils faire ? ils vont se regarder les uns les autres en cherchant celui qui aurait une tête étrange en se disant : certainement c’est lui … D’où vient l’idée que le futur curé ou la future consacrée a une tête déjà marquée ? Même chez les plus catho il y a cette idée là que le futur consacré ne peut être quelqu’un de normal.
Dans cette église, frères et sœurs bien aimé se trouvent les consacrés de demain. Si Dieu ne vient pas chercher parmi ceux qui se tapent d’aller à la messe chaque dimanche je vois pas trop où il va aller les chercher…
C’est important que les parents, les éducateurs fassent passer cette idée que la vie consacrée, le sacerdoce sont des choses possibles. Pour illustrer cela, et j’aimerais vous parler avec mon cœur de prêtre, de pasteur, de consacré, je vais vous raconter trois histoires qui m’ont beaucoup marquées. La première c’est celle de ce jeune lycéen, Olivier, qui sort de la messe de semaine dans son petit village et qui entend la conversation de deux dames âgées. « C’est le fils Bidule… il paraît qu’il veut être prêtre… quel sacrifice » et qui se retourne alors, avec une pointe d’insolence pour leur dire : « mesdames, je crois que nous ne croyons pas au même Dieu ». Comment croire que Dieu nous appelle pour autre chose que pour la vie ? Jean, chapitre 10, verset 10 : « je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l’ayez en abondance ». Jn, 15, 11 : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous ». La joie de Dieu ! Si Le Seigneur nous appelle à être prêtre, consacré, religieuse, c’est d’abord pour la joie ! Arrêtons de croire ou d’imaginer que Dieu serait un grand sadique qui voudrait notre malheur et qui prendrait plaisir à nous voir souffrir. Ce jeune homme, est devenu prêtre et il est aujourd’hui évêque d’un diocèse de France.
Mais vous voyez si on véhicule dans nos familles l’idée que la vie consacrée est impossible ou qu’à chaque déjeuner du dimanche on critique le curé pour telle ou telle raison… comment voulez-vous qu’un jeune puisse se dire : « oui c’est possible » ? Comment peut-il se laisser saisir par l’Esprit, comme Jésus dans l’Evangile d’aujourd’hui est saisi par l’Esprit et envoyé en mission. Connaissez-vous le point commun entre les vocations et les autoroutes ? Tout le monde en veut mais personne ne les veut chez soi… On entend dans certaines familles ou certaines paroisses ce genre de phrase : « Non mon Dieu, pas elle, pas ma fille chérie » « Alors non pas lui, il a réussi ses études… par contre là le petit dernier il est un peu pénible, allez-y Seigneur »…
La deuxième histoire c’est celle d’une jeune fille belle, souriante, brillante. Elle sort de prépa et a réussi a tous ses concours et revient chez ses parents en disant : « j’ai deux bonnes nouvelles. La première c’est que j’ai tout réussi… la deuxième c’est que j’ai démissionné de tout car je rentre au couvent ». La réaction dans nos bonnes familles; et peut-être dans votre cœur au moment où je parle, a été « quel gâchis ! » … « Quel gâchis… » voyez cette réaction-là résume en deux mot la perte de la foi jusque dans nos communautés. Cela veut dire que je ne comprends plus la fécondité d’une vie consacrée. Autrement dit que je ne comprends plus qui est le Christ … car le Christ est le premier des consacrés. Je ne comprends plus qu’on puisse offrir le meilleur de ce que l’on est et de ce que l’on a à Dieu. Je ne comprends plus le sens d’un tel sacrifice. Bien sûr cette jeune fille aurait pu avoir des responsabilités dans la société, aurait pu fonder une famille… Mais si je pense que tout cela est gâché ça veut dire que je ne comprends pas bien le sens de la vie chrétienne.
Enfin la troisième histoire du jour, je la tiens de l’abbé Grosjean, car elle éclaire quelque chose et du ministère de Jean-Baptiste, et de la vocation consacrée. Un de ses amis, plus jeune, vient le voir alors que celui-ci va être ordonné prêtre dans quelques jours et il lui dit « j’aimerais te remercier car j’ai compris quelque chose en te voyant… tu as beaucoup compté dans ma vocation » l’abbé Grosjean, attend, et se dit bah dis donc… « à quel moment » ? « bah souviens toi tu venais d’être prêtre et tu étais en camp scout avec nous… et j’ai compris qu’il n’y avait pas besoin d’être parfait pour être prêtre ». Le jeune avait été rassuré. Être prêtre ou consacré c’est d’abord être un baptisé, marqué par l’onction, appelé par le Christ, appelé par son nom. Ce n’est pas avoir des qualités exceptionnelles, c’est être quelqu’un, qui comme le Christ entend cette parole « tu es mon fils bien aimé en qui j’ai mis toute ma joie ! ».
Si l’on croit vraiment, de tout son cœur, que Jésus sera présent dans quelques minutes sur cet autel : Dieu lui-même, pas une apparence de Dieu. Si l’on croit vraiment que le baptême nous attache d’une manière particulière au Christ. Si l’on croit vraiment que la vie trouvera son plein accomplissement dans la vie éternelle … alors donner sa vie, ne serait-ce que pour célébrer une seule messe ou annoncer à une seule personne l’Évangile… alors oui ça vaut le coup. Oui ça vaut une vie cela ! Si le monde a besoin d’être sauvé, alors tous ceux qui donnent leur vie pour le sauver font bien. Oserai-je dire que la vie du pompier qui est parti dans l’immeuble qui a explosé hier à Paris pour sauver 7 personnes est une vie gachée ? Oserai-je dire que la vie du Colonel Beltrame qui a donné sa vie pour un autre est gâchée ? Parce qu’il est mort en sauvant un autre ? Au contraire il est mort en servant et sauvant ! C’est magnifique les amis ! Donner sa vie pour servir et sauver !
Frères et sœurs bien aimés, j’aimerais que nous puissions profiter de ce début d’année pour demander la grâce au Seigneur de convertir notre attitude personnelle face à la vie consacrée. Tous, de par notre baptême, nous portons dans notre cœur quelque chose de la consécration du Christ. Certains garçons, certaines filles sont appelés par Dieu à en témoigner d’une manière spéciale dans notre monde comme prêtre, religieux ou religieuse. Encourageons-les, que notre communauté, que nos familles, la nôtre, pas celle des voisins, soit vraiment un terreau d’où pourront naître les vocations consacrées de demain.
Chers baptisés de Melun, nous avons une responsabilité ! Ayons foi en Dieu et gardons le cœur ouvert à l’éclosion des vocations. C’est un chemin de joie pour ceux que Dieu appelle.