Le Roi du Black Friday

Vous avez dit « Roi » ? Il y donc le Roi Soleil qui déambule dans les couloirs d’un immense château entouré d’une multitude de courtisans poudrés. Il y a le roi César à la tête de ses armées, conquérant et guerroyant sans cesse. Il y a le roi Sauron, Seigneur de ténèbres dans l’univers de Tolkien qui règne par la terreur en envoyant ses Nazguls et ses Orques semer le terreur. Il y a le roi de Belgique, d’Espagne ou d’Angleterre qui dans la forme actuelle de ces monarchies parlementaires n’a guère de rôle de gouvernement et que les plus critiques ne trouvent bons qu’à faire la couverture des magazines people. Il y a le Roi du pétrole ou celui des médias. Le roi des forains et celui la pop. Toutes ces royautés sont concentrées dans la question de Pilate : « donc tu es roi ? ». Tout cela, c’est être roi à la manière du monde. Puissant, Riche, Écrasant. C’est être roi comme Pierre voulait que Jésus soit roi lorsqu’il trancha l’oreille du serviteur du grand prêtre. C’est être roi à la manière de Jacques et Jean qui désiraient siéger l’un à droite et l’autre à gauche. C’est être roi aussi parfois selon nos désirs  dans une nostalgie des temps passés où tous étaient chrétiens.

Non que Pilate se rassure, Jésus n’est pas venu prendre la place de César, il pourra écrire à l’empereur que l’Agitateur ne compte pas faire carrière dans la politique. Oui Staline avait raison de se moquer en disant : « Le pape, combien de divisions » ? Car la royauté du Christ n’est pas de ce monde.

Le trône du Christ est en forme de Croix

Alors, comment le Christ est-il Roi ? Il est le Roi du black Friday, frères et Sœurs bien- aimés. Non pas l’événement commercial venu des États-Unis, mais le Vendredi où lorsque le ciel s’est obscurci sur toute la terre il a livré sa vie par amour pour nous. Le Christ est le Roi en sa passion : couronné d’épines et moqué par les hommes. Son Trône est en forme de Croix et son pouvoir en signe d’impuissance. Il n’est pas Roi à la manière de Sauron, mais plutôt à la manière de Frodon prêt à donner sa vie.  Il est Roi en accueillant dans son Royaume le bon larron repentant. Il est Roi en donnant Jean à Marie et Marie à Jean. Il est Roi en pardonnant à ceux qui le blasphèment, le moquent et le tuent. Il est Roi qui renouvelle le pardon, les relations fraternelles et la justice. Il est Roi en nous aimant, non par des mots mais par un acte, il est Roi en donnant son sang pour moi, pour vous, pour tous les hommes.

Devenir un vrai sujet du Roi !

Tout à l’heure dans la préface, vous savez la prière que le prêtre chante et qui commence par « le Seigneur soit avec vous… Élevons notre cœur » … je chanterai : « qu’il remette aux mains de ta souveraine puissance un règne sans limite et sans fin: règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix. ».  Est-ce qu’il vient dans notre monde son règne d’amour et de paix ? Non, c’est un échec patent, il ne vient pas, regardez notre monde, regardez nos frères chrétiens d’orient, regardez ces hommes et ces femmes chassés de leur pays par la misère, regardez nos rues, regardez la violence qui s’abat sur les femmes, sur les enfants dans le sein de leurs mères, regardez …, y-a-t-il autour de nous un endroit où Dieu semble régner ? Où sa paix régnerait ? Faudrait-il crier plus fort ? « Que ton règne vienne » récite-t-on dans le Notre-Père. « Non mais mon Père, vous voyez bien dans le monde il n’y a pas que des catholiques, c’est normal que Dieu ne règne pas dans le monde, moi je vous le dis, si il n’y avait que des catholiques autour de nous, on verrait l’avènement du Règne de Dieu ».

Mais regardons alors nos paroisses, où là,  pour le coup nous pouvons nous dire qu’il y a plus de disciples de Jésus. Est-ce que le Christ règne parmi nous mes frères ? Est-ce que son évangile est notre loi mes frères? Ou bien est-ce que nos communautés ressemblent à s’y méprendre à notre monde ? n’y a t-il pas parmi nous le même égoïsme froid, la même indifférence à notre voisin de banc, n’y a-t’il pas parmi nous le même mépris pour celui qui est différent ? Règne t-il parmi nous la bienveillance, ou bien nous laissons nous aller au même jugement impitoyable, aux mêmes paroles qui tuent vis à vis de celui qui ne nous ressemble pas, qui ne pense pas comme moi, qui ne prie pas comme moi, qui ne communie pas comme moi, qui s’agenouille ou bien qui au contraire reste debout ?  Ne règne-t-il pas parmi nous le même gout du pouvoir, est- ce que notre communauté paroissiale ressemble à son royaume ? Et pourtant mes frères nous le disons avec Foi ce Notre-Père ? Comment se fait-il alors que son règne ne vienne pas ?

Parce que trop souvent nous voudrions que son règne vienne en dehors de nous. Un peu comme les autoroutes : tout le monde veut des belles et grandes autoroutes… mais personne ne les veut dans son jardin. (Nota-Bene : çà marche aussi avec les vocations de prêtre). Ou encore parce que nous croyons bien au règne de Dieu, mais voilà un règne au ciel plus tard, quand nous serons morts ou à la fin des temps. Nous serions assis sur des petits nuages tout roses, avec des anges à coté… Ce n’est pas ce que dit Jésus.

Le Seigneur veut nous aider en ce dimanche. Nous voyons Jésus qui nous remet l’Esprit à nous qui nous tenons au pied de la croix, près du Seigneur. Nous recevons l’Esprit et nous sommes transformés et son Eglise est transformée, et le monde est transformé et le royaume, son royaume, le royaume s’étend. Car c’est bien dans cet ordre-là et de cette manière-là que le Christ roi va régner. Non pas en commençant par le monde comme ça, en descendant sur le monde et en le recouvrant de sa toute puissance, de manière un peu magique comme Harry Potter. Non il commence à l’inverse, il commence par le bas. C’est la logique de sa royauté, celle que Pilate a du mal à comprendre, c’est la logique de son incarnation, il commence par régner sur notre cœur, ou plutôt il frappe à la porte de notre cœur pour y régner, « veux-tu que je règne sur ta vie » ?

Comment rêver d’un monde chrétien si soi-même on ne vit pas de l’Évangile. Le règne du Christ doit s’étendre d’abord à la porte de mon cœur. Est-ce que le Christ est véritablement le Roi de toutes les pièces de ma maison intérieure ? N’ai-je pas au fond de moi un petit jardin dans lequel je ne voudrai surtout pas que le Seigneur vienne mettre son nez ?

Si par contre, je laisse la puissance de l’Esprit que le Seigneur souffle sur moi du haut de la croix, si je laisse la puissance de son Esprit agir en moi alors bien sûr que le Christ va régner sur moi et me transformer. Et transformer notre communauté paroissiale pour vivre et témoigner quelque chose du royaume qui advient. Parce que le Christ règne sur nos relations, sur nos conversations, sur nos réunions, sur nos projets, sur nos faiblesses ou sur nos liturgies, sur tout ce que nous lui présentons c’est alors parce qu’il aura fait de mon cœur son Royaume, parce qu’il aura fait de notre communauté son Royaume qu’il pourra par nous faire de ce monde, ce monde, de Melun et sa région, son Royaume ! Car partout où il y a un chrétien, il doit y avoir quelque chose de changé, quelque chose de changé en mieux, quelque chose de changé en plus évangélique c’est comme cela que le Royaume avance, cœur après cœur.

Oui Seigneur, en ce dimanche que je veux que tu sois mon Roi, que tu règnes en moi, je veux être fidèle aux promesses de mon baptême. « Je veux t’aimer sans cesse, de plus en plus, protège ma promesse, Seigneur Jésus ».  Amen.