Il est temps de quitter nos tombeaux
Connaissez-vous le jeu du « loup-garou » ? un jeu de rôle prisé des jeunes où chacun incarne un personnage et où il faut, au fil des discussions et des débats éliminer les joueurs dont le rôle est d’être « loup-garou » et qui la « nuit » venue déciment le village… Dans ce jeu, il est un rôle spécifique intéressant : la « sorcière », capable à l’aide d’une « potion » de ressusciter celui qui vient d’être éliminé du jeu. Et de fait, je crois que lorsque l’on entend le long Évangile d’aujourd’hui on se dit qu’il en a eu de la chance Lazare. Il a eu de la chance d’être réanimé par Jésus. On se dit que nous aussi nous aimerions bien que si nous mourrions un peu trop tôt que Jésus nous ressuscite. Une sorte de vie supplémentaire comme dans les jeux vidéo ou les dessins animés de Tex-Avery : tu es mort pour de faux, hop retour à la vie. Pourtant Jésus aujourd’hui ne nous invite pas à désirer devenir un maitre en potion digne d’Harry Potter ou un personnage de fiction. Il nous invite plutôt à entrer dans la vie véritable.
Sur ce chemin de la vie véritable il est un verset tout de même un peu étrange: « cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu ». L’homme normal se dit que celui qui la prononce n’a pas toute sa tête. En premier lieu parce que Lazare est bien mort, au point qu’une odeur nauséabonde ait envahi le tombeau. En second lieu parce que nous nous faisons une autre image de la gloire que celle d’un homme qui pleure devant un tombeau et de deux femmes qui râlent contre leur ami. La gloire, c’est le PSG qui gagne la ligue des champions, c’est Rihanna entourée de 40 danseurs dans un stade en délire. Normalement la gloire cela va avec puissance, beauté, autographe, garde du corps et compagnie.
Et pourtant ici le Christ, dans l’Évangile, nous offre un chemin qui prépare à la Gloire véritable. Les larmes de Jésus c’est l’amour qui attend d’éclater, de se répandre, de vaincre. La prière de Marthe « je sais que Dieu t’accordera tout » c’est la foi qui demande, c’est la foi confiante et invincible. Le reproche de Marie : « si tu avais été là mon frère ne serait pas mort », c’est l’espérance en la puissance infinie du Seigneur, j’espère que rien n’est impossible à Dieu. Tout cela prépare la gloire Divine. Et la gloire éclate dans la voix de Jésus qui s’approche de la mort « Lazare viens dehors » et Lazare sort de son tombeau. C’est çà la gloire de Dieu. C’est quand la mort recule, quand l’homme est libéré, quand l’homme est délivré.
Le Seigneur de la vie véritable
Pendant ce temps de Carême, où nous accompagnons les catéchumènes enfants et adultes jusqu’au saint jour de leur baptême, la liturgie nous donne de redécouvrir qui est le Christ.
Aujourd’hui, la gloire du Christ c’est sa manifestation comme Seigneur de la vie. En ouvrant le tombeau de Lazare, juste avant de souffrir sa passion, il nous révèle qu’en lui et par lui, la vie est plus forte que la mort. « Je suis la résurrection et la vie ». Toutes les lectures nous le rappellent aujourd’hui : « je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez », « l’Esprit est votre vie ».
On vous dit à longueur de publicité qu’il faut profiter de la vie. Que la vie c’était une bière, un canapé et un match. On vous a menti. Que la vie c’était une belle carrière et une assurance vie. On vous a menti. Que la vie c’était une tranquillité. On vous a menti. Que la vie c’était tout essayer car le temps est court. On vous a menti. Cette pseudo vie là, ressemble plutôt à une mort lente. Parce que dans tout cela il y a une chose dont on ne parvient pas à se débarrasser véritablement c’est notre péché. Le Christ nous annonce en ce dimanche une bonne nouvelle « moi je suis la résurrection et la vie ». Non pas la tranquillité, mais la vie véritable, la vie qui ne finit pas, la vie qui ne s’arrête pas à la première contradiction, la vie qui n’est pas suspendue au fil de la télévision ou de l’internet. Tout l’Évangile est cette révélation : « je suis venu pour que vous ayez la vie et la vie en abondance ». Face à une culture de mort où la seule perspective semble le tombeau dont il faudrait repousser l’échéance en zappant et en s’enivrant, le Christ début, maître de la vie face au tombeau de Lazare nous dit : la mort n’a pas le dernier mot. La mort n’est pas un point final, je suis venu te le dire : tu es fait pour la vie et la vie véritable.
Il est donc temps de quitter vos tombeaux
Il est donc temps de quitter nos tombeaux. En effet, nous sommes souvent plus de coté de Lazare que de celui de Marthe ou de Jésus. Car la mort touche d’abord notre propre vie. Quand le temps du grand âge arrive et que je sens mes forces diminuer, quand la perte de mes proches bouleverse ma vie, quand la maladie percute mon plan de vie.
Quand il est question de mort ici, il serait faux de penser qu’il ne s’agit que de la mort du corps et vain d’imaginer que si la science le permettait nous serions promis à une quasi vie sans fin, digne des Elfes du Seigneur des Anneaux. Comme si aussi peu importait notre vie, qu’au terme le corps revivra.
Le tombeau dont il est question en ce dimanche, frères et sœurs bien aimés, c’est aussi celui de notre cœur enfermé dans le péché. Le péché nous laisse dans le noir, il roule la pierre, fait que notre âme se met à sentir l’odeur de la mort et nous empêche de goûter à la vie véritable.
Je suis frappé de voir Jésus pleurer dans l’Évangile d’aujourd’hui. Quand je contemple cette scène de l’Evangile je me dis qu’il pleure à cause la séparation de son cher ami, mais aussi parce qu’il le voit enfermé dans la noirceur et la puanteur du tombeau. Et à travers ces larmes pour Lazare c’est sur notre âme parfois enfermé dans le tombeau qu’il pleure. Et Jésus ne force pas Lazare à sortir de son tombeau. Il l’appel et il l’invite. D’une certaine manière il lui dit : goûte à la vie que moi je te donne. Sors du tombeau où tu t’es enfermé, où la mort te retient prisonnier.
Certains d’entre vous connaissent l’histoire d’Anne-Dauphine Julliand et du livre « les petits pas sur le sable mouillé ». Cette mère de famille raconte le combat pour la vie qu’ils ont vécu avec leur petit fille atteinte d’un maladie incurable. Face au drame ils ont choisi comme devise : « si l’on ne peut pas ajouter des jours à la vie, il faut ajouter de la vie au jour ». Ajouter de la vie au jour. Voilà une belle promesse pour notre vie chrétienne, voilà une belle décision pour ce dimanche. Choisir d’ajouter un peu de vie divine à notre vie humaine.
Si le temps du carême est un temps de conversion c’est précisément à cela qu’il nous invite : nous détourner de notre tombeau de péché et de mort. Nous tourner vers le maître qui appelle, vers celui qui prononce notre prénom et qui dit « viens dehors ». L’expérience de la confession c’est cela : entendre le Seigneur qui me dit : je te libère, je te délivre, viens dehors. Vis maintenant de ma vie, pleinement, entièrement. Combien de fois ai-je été émerveillé en me confessant moi-même, ou bien en donnant le pardon de Dieu, de voir combien la puissance du Christ dans le cœur d’un pécheur pouvait transfigurer une vie. Rien n’est trop grand pour le Seigneur de la vie. Rien. Faisons lui confiance, donnons-lui nos péchés pour goûter à la joie de sa vie.
En ce dimanche, en entourant nos catéchumènes de notre amitié et de notre prière, ne rêvons pas d’une vie magique, d’une potion de résurrection, mais faisons confiance au Maître de la Vie, à l’ami fidèle qui pleure sur nos morts intérieures, pour goûter par les sacrements à la Gloire véritable du Seigneur de la Vie. Choisissons la vie. Ouvrons nos cœurs au don de Dieu. Soyons des vivants pour le Seigneur, laissons-nous appelés par lui ! Viens dehors !