Sportif du dimanche !
Si vous êtes dans cette église ce matin c’est que vous avez raté Téléfoot… Quelle idée de mettre la messe à la même heure que ce magazine… Heureusement pour votre plus grand bonheur vous avez le droit en Replay et en exclusivité numérique à une petite immersion dans les vestiaires du match d’hier soir. Mais laissons parler le Coach, car c’est la mi-temps et il s’adresse à ses joueurs. « Bon les gars, tant au point de vu tactique que technique ça ne va pas ce soir… que se passe-t-il ? où sont passés le zèle et la fougue de la semaine dernière ? Et puis Tiago, franchement le carton jaune… non ça ne passe pas. Non que je veuille défendre l’arbitre mais vraiment ce n’est pas tolérable un pareil tacle.
Carton Jaune : se convertir
Tiago, s’enfonce dans sa serviette en écoutant le Coach. Car de fait ce carton a mis un peu un coup d’arrêt à son style de jeu. Depuis le début du match, il avait décidé de jouer en force… car après tout c’est une équipe de brutes épaisses en face. En recevant ce carton il a comme pris conscience que cette attitude n’était pas bonne.
C’est précisément ce que fait Jonas avec les habitants de Ninive dans la première lecture. « Carton jaune ! » pour Ninive. C’est Dieu qui siffle par l’intermédiaire du prophète Jonas. Donner un carton cela revient à dire « faites attention, le chemin que vous suivez, et l’attitude que vous avez n’aide pas à faire avancer le jeu, il est dangereux et mortifère ». C’est en somme ce que dit Jonas en annonçant la prochaine destruction de Ninive : votre attitude actuelle conduit à la mort, elle n’est pas pour la vie. Changez !
Mais attention sur le terrain comme dans le livre de Jonas, le carton jaune n’est pas un carton rouge. Le carton jaune prévient, il encourage au changement, il dit : « attention ». Le carton rouge sanctionne et exclut. Bien souvent dans les écrits prophétiques Dieu sort le carton jaune : « la route qu’il suit n’est pas celle du bien » chante le psalmiste.
Littéralement se « convertir », c’est se tourner vers. Se tourner vers la règle du jeu pour le foot, se tourner vers le Seigneur pour nous.
90 minutes : l’urgence
Dans le vestiaire tous écoutent l’entraîneur : « vous ne comprenez pas ? un match de ce niveau là c’est 90 min, pas 3 jours. Quand allez-vous enfin vous réveiller ? Il faudra donc que l’adversaire nous donne un 3ème but et que l’on prenne 3 cartons pour changer ? » Tandis que dans les tribunes les supporters commentent la première mi-temps : « c’est indigne d’eux cela. Il va vraiment falloir qu’ils se bougent, à 2-0 contre une si petite équipe. ». De la même manière, saint Paul nous le dit : « frères, je dois vous le dire le temps est limité… et le monde est en train de passer ». Autrement dit, votre vie actuelle tournée vers le monde et ses jouissances : les biens, la réussite, l’amour ou l’argent est en phase de passer. Souvent dans la vie chrétienne, et je parle pour moi le premier, nous sommes tentés de repousser notre conversion à la prochaine fois. C’est un peu comme le régime au moment des fêtes de fin d’année : « bon allez, dernière coupe, dernier toast de foie gras… après régime »… et de dernier toast en dernier verre, en fait on ne le commence jamais ce régime. Alors bien sûr la vie chrétienne n’est pas une question de régime. Mais pourtant le Seigneur nous invite en ce dimanche à nous presser un peu. « les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche ». Nous n’y pensons pas chaque jour, mais nous savons que le « jour du Seigneur peut nous surprendre comme un voleur ». Les joueurs de foot ont la chance d’avoir l’œil sur le chronomètre et de savoir qu’il ne leur reste que quelques minutes pour redresser la barre. Dans notre vie chrétienne, nous ne savons ni le jour ni l’heure. Mais nous savons que notre conversion passe par « aujourd’hui ». Aujourd’hui Seigneur interviens dans ma vie pour que je change ce qui doit être changé. Aujourd’hui Seigneur sois ma force !
Sortir du vestiaire : laisser son filet
« Et toi Junior, reprend l’entraîneur, tu seras gentil de me laisser tes problèmes de couple au vestiaire. Ta Cunégonde, elle attendra la fin du match si tu veux bien. » « et vous Adrien et Luigi, on arrête tout de suite la polémique sur la passe de tout à l’heure. Çà c’est du passé, on le laisse au vestiaire aussi ». Et l’entraîneur a raison sans quoi il leur sera impossible de vraiment jouer le match à fond, de reprendre pied. En sortant du vestiaire les joueurs y laissent des choses pour s’aventurer dans une nouvelle phrase du jeu. Ils quittent leur chaleur de l’équipe et du banc pour la réalité du terrain.
Et bien c’est précisément ce que vivent les Apôtres : « laissant là leur filet » ils le suivirent. La scène pourrait apparaître pittoresque à nous qui ne sommes pas franchement des spécialistes de la pèche du premier siècle. Laisser son filet pour Pierre et André, ça veut dire quitter sa sécurité économique, son gagne-pain. Cela reviendrait pour nous à démissionner de notre travail ou à vendre notre maison. Laisser dans la barque son père et ses ouvriers pour Jacques et Jean, c’est renoncer à des affections de la terre pour un bien plus grand. En réalité en répondant à l’appel, Pierre, André, Jacques et Jean se convertissent : ils se tournent vers le Seigneur et choisissent, pour reprendre la devise de St Benoit de « ne rien préférer à l’amour du Christ ».
La conversion à laquelle le Christ appelle est quelque chose de cet ordre : changer de vie, laisser au vestiaire telle ou telle chose qui nous vous aide pas à entrer sur le terrain de la sainteté.
Comme finalement nous sommes quand même des « gens biens », on peut se demander quel filet nous devrions abandonner ? quel attachement nous empêche de suivre le Christ avec autant de vivacité que les premiers Apôtres. Et bien je crois que les autres peuvent nous aider à y voir plus clair. C’est cette épouse qui envoie un « carton jaune » à son mari en disant : « dis, tu t’occupes plus de ta voiture que de moi », c’est cet ami qui nous dit combien on a pu être blessant envers telle personne, c’est ce prof qui nous dit « tu n’as pas travaillé, ta copie est vide… ressaisis- toi … » ou c’est encore mon orgueil : « ce n’est pas la Bible ou le Pape qui va me dicter ma conduite tout de même. Je fais bien ce que je veux… ». Tous ces cartons jaunes que l’on entend dans notre vie sont comme des manières d’entendre le Christ dire : « convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle ».
En ce dimanche je peux me demander, quel filet je peux lâcher pour suivre d’un cœur libre le Seigneur ? Qu’est-ce qui me retient coincé loin du Seigneur ? qu’est-ce qui m’empêche d’entendre l’appel et la promesse de Dieu d’une vie nouvelle : « je ferai de vous des pécheurs d’homme ». Ou pour reprendre la conversation au vestiaire : qu’est-ce qui me retient dans la chaleur du vestiaire et m’empêche d’être à fond sur le terrain de la sainteté?
Sur ces réflexions, déjà le quart d’heure de la mi-temps s’achevait, et Tiago, Junior et les autres repartaient sur le terrain prêts à tout donner pour la joie de leur spectateur !