Les mages : aller et retour

Qui sont-ils ces rois mages ? Des touristes égarés, appareils photo en main, prêts à saisir une bonne affaire ? Des baroudeurs, sacs aux dos qui passaient par là et ont fait un détour ? Des livreurs de Chronopost venus déposer en hâte un colis et repartir comme ils sont venus ? J’ai le regret de vous dire qu’aucune des trois options n’est bonne. En réalité, les rois mages sont nos maîtres spirituels car ils accomplissent 3 choses indispensables pour rencontrer le Christ : ils se mettent en route, ils viennent l’adorer puis ils rentrent chez eux.

Se mettre en route : partir

Ils ont vu son étoile à l’orient et partent suivant leur désir. Suivre et écouter son cœur : voilà le premier mouvement de la vie chrétienne. Nous écoutons beaucoup de choses dans notre société : le bruit de la télé, de facebook, des débats politiques ou des querelles de clocher. Mais savons-nous écouter notre cœur ? En scrutant les étoiles, les mages en découvrent une nouvelle et comprennent qu’il y a là un signe, une grâce. Imiter les mages ne nous oblige heureusement pas à nous lancer dans une complexe thèse d’Astrophysique pour savoir s’il est plus intéressant d’étudier la course des astéroïdes dans la ceinture de Kepler ou de savoir si Cerès est un gros astéroïde ou une planète…  Mais il nous faut cependant admirer et imiter leur recherche. Les mages sont des hommes qui cherchent. Parfois dans notre vie chrétienne on aimerait que tout tombe du ciel. « Vous savez mon père si Dieu existe il faudrait qu’il se manifeste clairement à moi ». Si les mages avaient attendu le passage d’un chameau livreur de télégramme pour se mettre en route soyez sûrs qu’ils ne seraient jamais arrivés. De même pour rencontrer le Christ, il faut scruter non pas le ciel étoilé, mais notre cœur marqué du sceau de Dieu. Non pas la voûte céleste mais la Parole de Dieu.

Et une fois le signe découvert, ils se mettent en route sans tarder. Pour découvrir le Christ il faut commencer par sortir de sa maison et de soi-même. Comme Jadis Abraham a dû quitter son Orient pour devenir le père d’Israël… pour trouver le Christ il faut partir. « Viens » dit-il à ses Apôtres. Ceux qui se préparent au baptême le savent bien : nos catéchumènes ont quitté leur vie d’avant, ils se sont laissés intriguer par la lumière sans trop savoir où cela devait les mener. Parfois, nous ne savons pas quoi faire pour que grandisse notre vie spirituelle, pour que change notre vie chrétienne ; alors nous attendons qu’il se passe quelque chose, et on risque d’attendre longtemps… « le secret de l’action c’est de commencer » : faire ce premier pas, même si on ne sait pas où il nous mènera, se mettre en mouvement. Un tout petit pas, et nous découvrons que nous en sommes capables.

Adorer

Les mages ne visent qu’un seul but : adorer « le roi des juifs qui vient de naître ». Pour cela, ils doivent braver les épreuves et les échecs apparents : ils pensaient trouver le Roi des Rois dans un palais à Jérusalem ? Et bien non il sera dans une crèche de Bethléem. Ils ne se découragent pas pour autant, car la grâce de prière qui leur est donnée est déjà une grâce. Les mages n’adorent pas de leur propre initiative : une grâce est donnée d’abord, c’est l’étoile qui les guide. De la même manière, lorsque nous venons prier, il y a un don premier qui nous est fait par Dieu. Tout chrétien, depuis le jour de son baptême est fait pour adorer. Adorer le Christ dans la crèche, ce n’est pas le regarder de manière béate en se disant qu’il ressemble terriblement à tante Nicole au même âge.

Quand ils entrent dans la crèche, ils délaissent tout et ne pensent qu’à l’enfant. Même les présents qu’ils apportent ne sont dirigés que vers l’enfant dont ils reconnaissent déjà tous les traits :

  • Ils célèbrent sa royauté en offrant de l’or : malgré la pauvreté de l’accoutrement de la sainte famille ils discernent le véritable Roi de Jérusalem « le prince de la paix » celui dont « le règne n’aura pas de fin ».
  • Ils célèbrent sa divinité en offrant de l’encens : symbole de la prière qui monte vers le ciel et de la bonne odeur du Christ.
  • Ils célèbrent déjà sa mort en offrant de la myrrhe, parfum précieux avec lequel on embaumait les morts.

Lorsque ils adorent ils ne viennent pas d’abord avec des cadeaux qui leur ressemblent. Ils viennent avec des cadeaux qui parlent de lui. Adorer c’est d’abord se laisser illuminer par le Christ, c’est le regarder, le contempler et reconnaître ce qu’il est vraiment… D’ailleurs, quand les mages entrent dans la crèche, nul discours sur leurs origines, leurs problèmes ou leurs joies mais leurs gestes parlent : ils se mettent à genoux, contemplent le roi et offrent leurs présents. C’est le même geste que celui de la consécration : quand le prêtre élève l’hostie, je peux me mettre comme les mages à genoux et dire au Roi, au Dieu et à celui qui meurt pour nous combien je veux l’aimer.

Rentrer chez soi

Les mages rentrent « dans leur pays ». On ne sait pas trop bien ce qu’ils sont devenus ni ce qu’ils ont fait. Parlent-ils du roi qu’ils ont rencontré ? Restent-ils dans un silence indicible ? Nous l’ignorons comme si leur avenir n’avait pas d’importance. Mais l’Evangile s’arrête sur un détail : « ils repartirent pas un autre chemin » car ils ont été prévenus par l’ange d’un danger. Ce détour n’est, je ne crois pas, du même ordre que l’apparition d’un bouchon de chameaux sur l’A18 entre Bethléem et l’Orient qui pourrait leur faire perdre quelques précieuses minutes. Ils empruntent une autre route, sans doute moins facile que la première, moins directe. Mais surtout ce changement de chemin extérieur indique un changement intérieur.

Après avoir rencontré le Christ, ils ne peuvent plus vivre tout à fait comme avant. Les jeunes baptisés qui viennent de rencontrer le Christ le savent leur vie peut basculer du tout au tout. Thierry Bizot, producteur de TV athée qui rencontre le Christ dans des circonstances improbables en a témoigné dans un livre : catholique anonyme puis dans un film « qui a envie d’être aimer ». Celui qui adore vraiment le Christ devant la crèche doit s’attendre à ce que sa vie soit changée : je ne peux pas vous dire comment, mais je peux vous promettre que celui qui n’a pas réduit Noël à la fête des enfants, le premier janvier à la fête de la paix et l’Epiphanie à la galette de Rois goûtera la saveur véritable du mystère que nous célébrons ces jours-ci. Non pas l’avènement du règne de l’huitre gluante mais le mystère d’un Dieu qui se révèle, c’est à dire d’un Dieu qui se donne à connaître et à aimer.

Les mages n’ont pas fait beaucoup de bruit, ils n’ont pas discuté pendant des heures, il se sont contentés de parler par les gestes de leurs corps en se mettant en route puis à genoux, de parler par les cadeaux qu’ils ont offerts et parmi lequel le plus grand d’entre eux c’était eux-mêmes. En se mettant à genoux devant le roi, ils ont donné leur vie au Christ. Désormais ce n’est plus une étoile qui les guide mais bien Dieu lui-même par son ange qui leur indique un nouveau chemin.

Puissions-nous, nous aussi, en ce jour d’Epiphanie faire l’expérience de nous mettre en route, d’adorer Dieu avec notre corps et notre âme, et d’y recevoir que Dieu lui-même guide nos pas dans l’avenir pour trouver une route que nous ne connaissons pas encore mais qui mène certainement à la joie parfaite car c’est Dieu qui nous la donne.