Fais nous vouloir ce que Tu veux !

A première vue l’Evangile de ce jour pourrait être rebaptisé : l’Evangile du contrôleur fiscal puisque Jésus semble donner sa bénédiction au paiement de l’impôt. Etre un bon chrétien ou un bon juif ne suffit donc pas à retirer 1 ou 2 zéros de sa déclaration de revenus ou, comme dans le film Le Diner de Cons, à enfermer tous les objets de valeur dans une pièce bien fermée à clef… priant très fort pour que le contrôleur fiscal ne soit pas pris d’une soudaine envie d’y jeter un œil.  Non à la réflexion, Jésus ne s’est pas fait acheter par le FISC pour que les bons chrétiens meulinois remplissent convenablement leur déclaration fiscale. Il nous offre en fait un petit traité de vie chrétienne intelligente.

Un piège tendu au Seigneur

Tout d’abord pour bien comprendre l’Evangile de ce jour, il nous faut nous souvenir que nous sommes à la fin de l’Evangile, proche de la passion du Christ. Les oppositions au Seigneur se multiplient… autrement Jésus dérange il faut d’urgence trouver un moyen de le mettre hors circuit. On cherche donc, comme St Matthieu nous le rapporte justement, à « prendre Jésus au piège en le faisant parler ». Pour les pharisiens, cette question de l’impôt n’est pas une question principale et les contradicteurs jubilent en eux-mêmes car ils pensent avoir trouvé the question piège. S’il répond oui il faut payer, il passe pour un méchant collaborateur, vendu au pouvoir Romain… il mérite donc la condamnation de la part des juifs. S’il dit non il ne faut pas payer… il est un opposant au régime en place, un fauteur de trouble il mérite la mort.

Heureusement celui qui nous invite à être « candide comme la colombe et rusé comme le serpent » (Mt 10,22), l’est pour lui-même et ne se laisse pas enfermer. Au passage, il nous livre un enseignement précieux sur notre condition de baptisé et notre vocation.

Le fondement de ma dignité : l’image de Dieu

En faisant sortir une pièce de la poche de ses contradicteurs, il ne veut pas seulement leur montrer qu’eux aussi utilisent l’argent de César mais plus encore que l’argent de César est marqué à son effigie. Rien d’exceptionnel même encore aujourd’hui que ce soit aux Pays-Bas ou au Vatican, les euros sont frappés à l’effigie du souverain.

Le mot traduit par « effigie » par la liturgie est le même que celui qui signifie Icône et nous invite donc à revenir aux origines. Si la pièce est icône de César… quelle est l’icône de Dieu ?

« Homme et femme il les créa, à l’image de Dieu il les fit ». Nous sommes donc chacun de nous image de Dieu, comme créature voulue et aimée par Dieu. Comme Cyrus, le roi païen de la prière lecture que Dieu veut associer à son œuvre de salut, nous avons été appelés « je t’ai appelé par ton nom ». Plus encore, en vertu de notre baptême nous avons été marqués du sceau et de la croix du Christ. Nous sommes devenus enfants de Dieu comme 3 jeunes enfants vont le devenir à l’issue de cette messe.

Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ce n’est donc pas simplement faire une belle déclaration au FISC, mais c’est surtout se souvenir que nous appartenons à Dieu. Que nous sommes comme cette pièce marquée d’un sceau d’amour et de grâce : le sceau de Dieu. Nous sommes dès notre baptême marqué de la croix du Christ, associé à Jésus, uni à lui par un mystère profond et c’est cela qui nous confère notre dignité ultime. Ce n’est pas en raison de mes qualités humaines que Dieu m’appelle « vraiment Mme Michu est une personne de grande valeur, elle s’occupe beaucoup des plus pauvres » « Bidule… ah un vrai meneur d’homme dans son école »… non non… mais en raison de la marque du Christ que je porte.

Le discernement : fais- nous vouloir ce que tu veux

La question prend alors une autre tournure. La Marque que tu portes dans ton cœur fait de toi un citoyen du ciel, un voyageur en marche vers le Royaume. Mais voulons-nous vraiment le vivre ?

Ou dit autrement à qui appartient mon cœur ? au Christ ? ou à César ? « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ».

La prière d’ouverture de la messe nous offre une piste qui me semble intéressante. Vous savez, c’est la prière que le prêtre introduit par « Prions le Seigneur » après le Gloire à Dieu et qui se conclut par « Par Jésus le Christ notre Seigneur » et que nous écoutons parfois d’une oreille distraite… en fait ces prières sont souvent très anciennes (celle-ci date des premiers siècles) et d’une richesse spirituelle très grande.

Nous entendions tout à l’heure : « Dieu éternel et tout puissant, fais-nous vouloir ce que tu veux et servir ta gloire d’un cœur sans partage ». « Fais-nous vouloir ce que tu veux ». Accepter de dépendre de la volonté d’un autre. Ce n’est pas, c’est le moins que l’on puisse dire, à la mode. Dans notre société individualiste dépendre de la volonté d’un autre apparaît comme la limite suprême à mon autonomie : « un prêtre devrait-il me dicter ma conduite » ? « se marier : c’est avoir la corde au cou, moi je garde ma liberté ! » « Dieu pourquoi pas… mais que cela ne dérange pas ma tranquillité » … et la prière là nous invite à désirer dépendre de la volonté d’un autre.

Il me semble pourtant qu’il y a là un chemin de vie pour qui veut rendre à César ce qui est à César… et surtout à Dieu ce qui est à Dieu. Je suis frappé par le fait que de nombreux chrétiens ont peur de la volonté de Dieu. Combien de jeunes ai-je rencontré et qui me disent « mon père, mon père, j’ai tellement peur que le Seigneur me demande de devenir religieuse… que j’ai arrêté d’aller à la messe en semaine ». « J’ai tellement peur de devoir changer de vie, que je n’ai pas osé lire ce livre ». C’est terrible, une relation avec Dieu basée sur la peur. Je suis image de Dieu, je suis frappé du sceau divin, le Seigneur a donné sa vie pour moi et me dit à travers toutes les pages de l’Evangile : « je suis venu pour que ma joie soit en vous ! Pour que vous soyez comblés de joie » « je suis venu pour que vous ayez la vie et la vie en abondance ».

La volonté de Dieu, frères et sœurs bien aimés c’est que nous goutions à la saveur véritable de la vie. C’est que nous puissions à l’abondance des grâces divines. « Vouloir ce que Dieu veut » ce n’est pas perdre notre liberté, au contraire, c’est engager notre liberté sur un chemin qui nous donnera la joie véritable parce qu’alors, l’image de Dieu en nous par le baptême cohincidera avec ma conduite extérieure : je serai Evangélisée.

En ce dimanche, en nous invitant à rendre à César, le Christ nous invite surtout à rendre à Dieu, à redonner à Dieu toute la place qui lui est due dans notre vie. En nous faisant demander de « vouloir ce qu’il veut », il nous invite à demander en fait ce qui comblera notre vie pleinement et que nous avons du mal à désirer. En ce dimanche, nous demandons à Dieu de nous aider à vouloir vraiment entrer dans sa volonté. A lui faire confiance car lui n’est pas un pharisien qui cherche à piéger mais un Père doux et miséricordieux qui veut le Meilleur pour son enfant.

Alors frères et sœurs bien aimés en cette semaine qui commence j’aimerai vous exhorter à redire chaque matin au Seigneur « fais-moi vouloir ce que tu veux » « fais-moi désirer vivre selon ta volonté » et je suis sûr que l’Esprit Saint nous invitera sur des chemins nouveaux … pour notre joie !