A nous l’héritage… nous conspirons… et je deviens « Reine » !

A la fin du film la Folie des Grandeurs, que vous connaissez sans doute, il est une scène désopilante : on voit Louis de Funès, alias Don Salluste, déporté par le roi dans le désert des Barbaresques qui annonce fièrement à son ancien valet : « En tout cas, on va pas moisir ici. J’ai un petit plan pour nous faire évader : nous rentrons à Madrid, nous conspirons, le roi répudie la Reine, la vieille épouse le perroquet, César devient Roi, je l’épouse, et je deviens Reine »… Folle ambition de Don Salluste pour prendre le pouvoir… folle ambition aussi des vignerons de l’Evangile d’aujourd’hui.

La Vigne : bien précieux de Dieu

Un peu comme Don Salluste, les vignerons veulent prendre pour eux ce qui est cher au cœur du maître. Car la Vigne du Seigneur est son bien le plus précieux. Ecoutez plutôt « je chanterai pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne »… n’est-ce pas un peu étonnant : avez-vous déjà vu un agriculteur faire une déclaration d’amour à une grappe de raisin ou un épi de blé ? C’est sans doute que la vigne dont il est question est en réalité plus grande qu’un petit arbre fétiche. La vigne a une place précieuse dans la vie des chrétiens et du peuple d’Israël. Pas simplement parce qu’à nos diners amicaux on se dit que l’on peut taquiner un peu la bouteille parce qu’après tout Jésus a bien changé l’eau en vin à Cana… et que « le bon vin réjouit le cœur de l’homme ». L’histoire biblique de la vigne commence avec Noé qui découvre au retour de l’Arche que le fruit de la vigne est agréable et un peu enivrant, elle se poursuit avec les prophéties du livre d’Isaïe, livre viticole s’il en est qui désigne la Vigne comme le peuple d’Israël, elle s’éclaire dans le discours du Christ qui nous dit qu’il est la Vigne véritable, elle s’illumine dans la vision de la Jérusalem Céleste, pays des vin capiteux ! Non décidément la vigne est biblique… Et le Vigneron attentif à sa vigne. Le côté est plantureux et la terre apprêtée. Bref c’est de la bonne terre achetée fraichement chez GamVert dont il a retiré les pierres. L’histoire ne dit pas si le sol était très pierreux mais ceux d’entre nous qui ont déjà dû faire l’exercice dans leur jardin savent la peine qu’ils ont dû y prendre : « tu déblaies le sol devant elle, tu l’enracines pour qu’elle emplisse le pays ». Bref, le Père s’est démené pour sa vigne. Elle est son bien le plus précieux. Comme un enfant est infiniment plus précieux que tout bien matériel. Tout cela nous montre le lien d’amour et le don gratuit dont le père entoure sa belle vigne : il fait tout pour qu’elle donne un beau fruit. Un fruit d’amour et de vie. Sans doute plus encore que l’impôt royal dont Louis de Funès cherche à s’emparer dans la Folie des Grandeurs… Vous l’avez compris cette vigne c’est le peuple d’Israël… cette vigne c’est notre âme : depuis notre baptême elle a été apprêtée, libérée des pierres du péché, entourée d’une barrière d’anges qui veille sur elle… Et le monde pourrait bien de vouloir vivre de la vigne sans vivre de Dieu… lui ne lâchera rien « moi le Seigneur ton Dieu… je suis un Dieu jaloux » déclarait-il à Moïse. Sa vigne… personne ne pourra la lui ravir car Dieu domine, protège et veille sur elle.

Qui sont ces vignerons homicides ?

Et face à ces vignerons qui veulent prendre la vigne pour eux-mêmes il n’hésite pas à envoyer les grands moyens. Lorsque j’étais plus jeune, il m’arrivait de jouer à des jeux vidéos de stratégie (comme quoi pour les parents qui ont des ados un peu geek… ils pourraient même finir prêtres !!). Et dans certaines batailles, il fallait appeler en renfort toutes les troupes de toute la carte pour défendre le château contre l’ennemi. Il en va de même pour le maître de la Vigne. Il envoie ses serviteurs, 1 puis 2, puis d’autres encore… et tous se heurtent à un mur. L’attaque est rude et solide. Le maître a encore une carte dans la main, un atout majeur : le fils bien aimé. Mais lui aussi ne résiste pas à la folle ambition des vignerons qui souhaitent posséder la vigne pour eux seuls.

Mais alors qui sont ces vignerons homicides ? simplement les mauvais juifs de l’époque du Christ… qui disons-le vraiment… eux, ils ne comprennent rien à rien… Il nous est facile d’écouter cette Evangile d’aujourd’hui en se disant : « ah ah oui enfin bon nous quand même à Melun nous ne sommes pas comme cela… » franchement tuer le fils pour avoir l’héritage vraiment non quand même… pas nous ! En fait, c’est ce que nous faisons plus souvent que nous le souhaitons… si cette vigne c’est le Peuple de Dieu, si c’est notre âme, à chaque fois que nous disons non à l’amour du Fils, autrement dit à chaque fois que nous péchons… nous mettons dehors le Fils. Le péché vient comme tuer dans mon cœur l’image du Fils et par là il touche au bien précieux du Père. En fait, je crois que le plus grand vigneron homicide c’est moi-même. Chaque fois que je me détourne de l’amour de Dieu, j’ouvre une brèche dans la clôture, je laisse passer les sangliers venus ravager la vigne. Et je ne sais pas si vous avez remarqué mais quand la brèche du péché est ouverte dans notre vigne… les dégâts sont vite considérables.

Le lien avec le Père

Ce qui se joue à travers les lectures de ce dimanche ce n’est ni plus ni moins qu’une question de filiation et d’héritage. Les vignerons homicides veulent déconnecter le fils de son Père pour s’emparer du bien propre du Père. C’est ce que fait le péché dans notre vie : il nous déconnecte de l’amour du Père. Nous avons tous l’expérience d’avoir déjà téléphoné en voiture ou dans le train (oui en voiture… quand vous ne conduisiez pas) ou pour le parisien que je suis… dans le métro. Et je ne sais pas si vous êtes comme moi mais c’est très agaçant quand ça coupe. S’en suit un long monologue… allo ? allo ? tu m’entends ? allo ? Et bien notre péché fait un peu le même effet sur Dieu … il altère la qualité de la liaison 4G avec le Père… Pour les technophiles, je passe de la 4G+ à la 3G au Edge, au GSM jusqu’au défaut de service…

Là vous vous dites… bon le prêtre il arrête pas de nous dire qu’on est pêcheur… c’est sympa mais je viens à la messe pour entendre une bonne nouvelle, pas pour déprimer… Alors laissons Saint Paul nous parler : « ne soyez inquiets de rien, mais en toute circonstance priez et suppliez pour faire connaître vos demandes »… voilà déjà un bon plan pour éviter de tuer la vie du fils dans notre âme : prier. Chaque fois que je prie, je me tourne vers le Père avec amour. Autrement dit, j’accueille son message et son messager avec respect et joie !

Et Saint Paul nous offre un autre conseil : « tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré… prenez-le à votre compte ». Pour expliquer cela, une autre comparaison jardinière s’impose (je crois que je vais demander des royalties à Jardiland ce dimanche)… il est deux manières de préparer un endroit pour planter : ou bien vous arrachez méticuleusement les mauvaises herbes avec une pince à épiler pendant des heures jusqu’à ce que la terre soit nickel puis vous plantez… ou bien vous plantez et fortifiez la plante qui pousse en vous arrangeant pour que son développement prenne le pas sur les plantes plus fragiles. Il me semble qu’ici Saint Paul nous invite à développer la deuxième technique : laissons grandir en nous les dons de la grâce. Pour éviter d’être un vigneron homicide pour nous-mêmes ou les autres, choisissons en ce dimanche de fortifier en nous les beaux plans de la vigne du Seigneur. Et comme les fruits de la vigne du Seigneur dépendent de mon lien au Père, pourquoi ne choisirions-nous pas de commencer chaque journée de notre semaine par le notre Père ? seul, en couple, en famille ou avec des amis ?