Et verbum caro factum est !
Les personnages de la crèche semblent faire la tête en ce matin de Noël, un peu fatigué par une nuit de veille, l’âne dit au bœuf à voix basse pour ne pas réveiller l’enfant : « tu te rend compte, je crois qu’il nous ont oublié : pas un mot sur nous pendant les lecture de la messe de Noël… C’est presque à croire que bientôt nous serons interdits de Noël. » L’ange saisissant la conversation au vol les interpelle : « Croyez-vous vraiment que vous êtes le centre de l’attention à Noël ? On croirait entendre les vendeurs de dindes ou de jouets dans les magasins ! Mais c’est l’enfant qu’il faut regarder en ce matin de Noël. »
L’ange de la crèche a raison : si la messe de la nuit de Noël nous a invités à contempler la crèche, les bergers, les anges dans nos campagnes… celle de ce matin nous invite à comprendre le mystère d’une autre manière. Il s’agit de répondre à la question qui est cet enfant ou autrement dit que veut dire « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ».
Dieu parle
La première grâce que le Seigneur nous donne en ce matin de Noël c’est l’affirmation claire et belle que Dieu parle : « A bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ».
Dieu n’est pas un Dieu lointain, dès le début de la Bible il parle : il parle à Adam, il parle à Abraham, à Moïse, à David, à Isaïe et à tous les autres. Dieu parle parce que Dieu ne nous a pas créé de manière anonyme comme les enfants peuvent le faire dans certains jeux vidéo. Vous savez il suffit de cliquer sur bouton et hop un nouveau guerrier apparaît.
- Dieu nous parle donc parce qu’il nous a créés comme des êtres capables d’entrer en relation, avec les autres et avec lui.
- Dieu nous parle parce que toutes les situations de l’existence l’intéressent.
- Dieu nous parle parce qu’il n’abandonne pas son peuple à la mort, et qu’il veut nous sauver.
Puisque Dieu respecte infiniment ce que nous sommes, Dieu parle par des moyens que nous pouvons comprendre. Dans l’histoire sainte il aurait pu choisir de parler en code HTML (le code informatique pour les pages internet), mais il a préféré trouver parmi son peuple des messagers ceux qui « annoncent la paix qui porte la bonne nouvelle, qui annoncent le salut » comme nous lisions dans la première lecture. Et c’est ainsi que s’est déployée pendant des centaines d’années la révélation du mystère de Dieu : Dieu s’est communiqué à des hommes, aux prophètes, aux prêtres et aux rois de l’Ancienne Alliance pour qu’à leur tour ils portent au peuple que Dieu s’était choisi sa parole de Salut, son message d’Amour.
Et à travers eux Dieu il me parle. Si nous pouvons fêter la naissance du Christ aujourd’hui comme notre sauveur c’est parce que Dieu a parlé d’abord à un peuple particulier. Et si nous lisons encore aujourd’hui ces écrits des prophètes et patriarches, c’est parce qu’ils nous parlent tous, d’une manière ou d’une autre du Christ.
Dieu parle en un fils.
Mais Dieu n’a pas voulu en rester à des intermédiaires. : « mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils ». Dieu qui aurait pu choisir de rester au loin a voulu venir lui-même partager notre humanité, notre histoire, notre temps. En ce jour de Noël, j’aimerais vous inviter à vous laisser dépasser, toucher, saisir par la beauté et la grandeur de ce mystère.
La liturgie de ces jours-ci l’exprime d’une manière formidable :
- « dans le Mystère du Verbe incarné maintenant nous connaissons en lui Dieu qui s’est rendu visible à nos yeux »
- « Celui qui par nature est invisible se rend visible à nos yeux »
- « Engendré avant le temps il entre dans le cours du temps »
- « Fais-nous participer à la divinité de ton Fils, puisqu’il a voulu prendre notre humanité ».
Ces formules liturgiques ne sont pas réservées à quelques séminaristes (et la paroisse en est riche) ou servants de messe zélés qui préparent le missel du prêtre : elles expriment d’une manière admirable le mystère que nous célébrons. Goûtez-les quand le prêtre les prononce ! C’est un vrai trésor de la vie chrétienne.
Elles nous aident donc à répondre à cette question : pourquoi Dieu s’est fait homme … Je relève avec vous 3 raisons :
D’abord il s’est fait homme pour se faire connaître. Imaginez que votre enfant vous parle d’un de ses copains de classe, d’université ou du travail : il vous en parle souvent, avec passion et joie. Et imaginez maintenant que ce même ami de votre enfant vienne vous rendre visite : « Ah c’est toi Baudouin, c’est vous Camille ! ». La rencontre est profonde, belle et grande : de personne à personne. Le Verbe fait chair est ce sauveur annoncé depuis des siècles que tout le peuple d’Israël espérait et qui vient dire Dieu, le révéler. Nous donner de le rencontrer.
Ensuite Dieu s’est fait homme pour que nous puissions avoir un modèle à imiter. Dieu le père nous invite à écouter Jésus « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ». Dieu se fait homme, il donne à l’homme un exemple de vie humaine pleinement humaine et pleinement divine. Le vrai modèle de toute vie chrétienne c’est le Christ : dans telle ou telle situation : que ferait Jésus à ma place ?
Enfin Dieu s’est fait homme pour que nous soyons participants de la nature divine ; Le Verbe s’est fait homme pour qu’en rentrant communion avec Lui nous puissions recevoir de Dieu la vie divine : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu » disait Saint Anathase.
En Jésus, Dieu me parle à moi, à vous, à chaque habitant de cette terre. Il ne parle plus simplement à un petit peuple dans un désert au loin là bas… il parle à chacun d’entre nous en son Fils Jésus.
Pour éclairer le mystère de l’homme
Alors oui, pour réaliser ce triple projet : nous faire connaître Dieu, nous donner un modèle à imiter et nous faire participe à la vie de Dieu, est venu se mettre à notre niveau en se faisant petit enfant dans le crèche.
Dieu, celui qui par nature est tout puissant, infini, immortel, créateur choisit de venir se faire homme mortel, capable de souffrir pour accompagner l’humanité dans chacun des moments de son existence.
- Jésus a été enfant : faible et fragile, qu’il a fallu choyer, nourrir et vêtir.
- Jésus a été adolescent : sans doute que s’il était né dans les années 2000 il aurait sans doute joué avec son téléphone à Clash Royal comme les amis de son âge, il aurait été passionné par le Glorious ou par les hélicoptères télécommandés !
- Jésus travaillé de ses mains d’homme : il a appris un métier d’homme, à l’école de Joseph, il a transpiré à la sueur de son front pour gagner son pain, pour nourrir sa mère, pour fêter ses amis.
- Jésus a aimé avec un cœur d’homme : l’Evangile nous rapporte combien l’amitié était importante pour lui : Marthe, Marie Lazare ou encore ses disciples : « je ne vous appelle plus serviteur, je vous appelle mes amis ».
- Jésus a souffert sur la Croix, il a souffert dans son cœur.
Si je vous redis cela, que vous connaissez bien, ce n’est pas pour vous refaire tout l’Évangile en ce jour de Noël mais pour que nous pussions prendre conscience de ce que veut dire la phrase « le Verbe s’est fait chair ». Il vit une vie d’homme ordinaire : il accepte d’apprendre, de grandir. Nous pouvons apprendre de lui à vivre, à accepter nos limites puisque Jésus lui-même a accepté les nôtres pour entrer dans la joie d’une vie simple et ordinaire.
Saint Iréné de Lyon nous dit : « tout ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé » . Autrement dit toute ma vie est appelée à être mise sous le regard du Verbe fait chair puisque toute ma vie est appelée à être sauvée par le Christ. Le Christ s’intéresse à l’enfant qui joue avec son sous-marin en légo offert par sa grand mère, autant qu’à l’adolescent fan du RCT, qu’au jeune en école de commerce près de Paris ou qu’au grand père passionné par le jardinage !
Le Christ par sa naissance vient éclairer toute la réalité de ma vie : « le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde ». Toutes mes activités, toutes les parties de ma vie de mon lever à mon coucher, au travail comme à la maison, dans la famille comme avec mes amis : la vie avec le Christ englobe tout ! Mon corps lui-même ne peut pas être étranger à ma foi : oui « Le verbe s’est fait chair » par là il a donné à mon corps une dignité étonnante : je partage avec Dieu une même humanité, un même corps. Jésus est venu prendre un corps pour sauver mon propre corps. « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous ». Pourquoi mon corps est digne d’être aimé ? Parce que Dieu s’est fait homme ! pourquoi la sexualité est une merveille ? Parce que Dieu est venu la sauver en Jésus ! Pourquoi le sport est une œuvre véritablement chrétienne ? Parce que Jésus s’est fait homme !
En ce jour de Noël : ouvrons les portes de notre cœur pour laisser la Lumière du Verbe de Dieu se rependre dans chaque pièce de notre maison intérieure : pour lui offrir les combats qui nous anime dans notre corps ou dans notre cœur, pour lui présenter tout ce qui fait notre humanité : notre travail, notre famille, nos souffrances de corps et d’âme, nos joies et nos peines, notre famille, nos blessures et nos espérances.
Consolons l’âne et le bœuf, entrons plus pleinement dans le mystère du Dieu qui parle, et qui parle en un Fils qui a vécu une vie d’homme comme la nôtre pour nous sauver de l’intérieur.
Alors, frères et sœurs bien-aimés, n’ayez pas peur du Christ, en ce jour de Noël, il n’enlève rien et il donne tout, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ et vous trouverez la vraie vie et la paix !
Amen !