La prière chemin d’humilité
Bien chers frères et sœurs,
Nous connaissons tous ce grand classique du cinéma français : Grande Vadrouille. Souvenez-vous que lorsque de Funès et Bourvil sont faits prisonniers par les Allemands, Bourvil affirme :
« Ils pourront me faire tout ce qu’ils veulent, me torturer, je ne parlerai pas »
Moi aussi renchérit de Funès
Vous aussi ? interroge Bourvil, touché de cette solidarité.
Oui, explique de Funès. Ils pourront vous faire tout ce qu’ils veulent, vous torturer, je ne parlerai pas.
Malgré l’humour de la scène, la réalité décrite est dramatique : le personnage campé par Louis de Funes est parfaitement égo centrique. Il ramène toute chose à lui même, il est le centre du monde.
C’est un peu le drame du pharisien de l’Évangile. Pour le pharisien la prière n’a qu’un pôle : le moi statisfait et sécurisé : « je, je, je, je, je… » Inondé de sa préoccupation personnelle il est à ses yeux le seul intact, le seul digne, le seul artisan de sa perfection. Et de fait il a des raisons de se réjouir : il va à la messe à sainte Thérèse chaque semaine, il prie le soir chez lui, le vendredi il mange du poisson, il a inscrit ses enfants à l’équipe Benoit XVI, et comble de la perfection il a choisi un créneau d’adoration ! Que demande le peuple ? Il a coché toutes les cases du parfait petit chrétien Toulonnais. Alors pourquoi sa prière ne serait elle pas recevable ? Parce que pour lui la sainteté consiste à coïncider avec une image parfaite, une belle façade qu’il s’est lui-même construite. Il veut être le seul à être aimer de Dieu. Il se dit : pourquoi Dieu s’occuperait des païens de la cité sainte Musse alors que moi je fais tout cela ?
En fait sa sécurité repose entièrement sur lui-même et ses bonnes œuvres, c’est un homme en règle, qui verse sa dime (son denier) et que sent tranquille pour user du reste comme bon lui semble. On pourrait même dire qu’il a mis Dieu à son service. Comme j’ai fait toutes ses choses bonnes, Dieu doit quand même bien me justifier. Non content d’introduire dans sa prière le mépris des autres, il s’imagine que Dieu l’aurait choisi seul à l’exclusion des autres, comme si le cœur de Dieu était à l’image de notre cœur un peu étroit et qui s’il aime Pierre… ne peut pas aimer aussi Paul !
Ce que notre bon pharisien oublie c’est Dieu ! À force de se regarder le nombril, il en oublie même qu’il prie. Il oublie de confesser la grandeur de Dieu préférant confesser sa grandeur personnel.
L’Évangile et la prière chemin d’humilité
L’Évangile de ce jour nous invite donc, frères et sœurs bien aimés, à grandir dans l’humilité. C’est une vertu qui n’est pas très facile, car elle est une ligne de crête entre deux excès : le premier excès c’est celui du pharisien : me considérer au-dessus de ce que je suis vraiment, ou plus précisément mépriser les autres à cause de la grâce que j’ai reçu. C’est l’histoire du couple qui revient d’un dîner chez des amis et qui commente dans la voiture : tu vois mon chéri, je suis contente de ne pas être comme unetelle, nous au moins nous savons éduquer nos enfants….
L’excès inverse vous l’avez compris c’est de se dévaloriser toujours, de se trouver nul, de ne jamais être satisfait de soi-même. C’est peut-être un peu la tentation du publicain. « Je n’y arriverai jamais » , « de toute façon je suis trop nul », « je ne vaux rien »… C’est une tentation tout aussi grande.
L’humilité à laquelle nous invite le Seigneur en ce dimanche est fondée sur l’acte du Christ. Jésus « lui qui était de condition divine, ne retient pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu mais il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort et la mort de la Croix » . Regarder la Croix c’est contempler le Roi d’humilité. Dans l’Evangile Jésus jamais ne refuse le titre qui lui est donné de Rabbi, de Fils de Dieu, et qu’il confessera devant Pilate : « tu le dis je suis Roi ». Mais il sait qu’il reçoit tout du Père. L’humilité de Jésus c’est de rester à sa juste place celle de Fils.
Mais alors frères et sœurs, notre ami Saint Paul dans la 2ème lecture n’est pas vraiment un modèle d’humilité : je vous le relis : « Je me suis bien battu… je suis resté fidèle… je n’ai plus qu’à recevoir la récompense du vainqueur…. » n’est-ce pas un peu audacieux ? Paul n’est-il pas un peu pharisien ce dimanche. La grande différence est que Saint Paul n’attribue aucun de ses mérites à lui même, mais il comprend bien que ses bonnes œuvres sont les œuvres de Dieu : « le Seigneur lui m’a assisté, il m’a rempli de force ». Sa prière est une prière authentique, car elle n’est pas centrée sur lui même, mais constitue un véritable lien entre lui et Dieu. La prière consiste donc d’abord à regarder Dieu avant de se regarder soi-même. C’est le sens de la prière de louange, du Gloire à Dieu de la messe : Dieu est grand et il est bon ! Bénit soit il !
Etre saint c’est être un pécheur pardonné !
Frères et sœurs bien aimés, pourquoi la prière du publicain est-elle agrée par Dieu ? Car elle n’est pas une prière artificielle, une prière de facade, elle est une prière authentique. Il reconnaît l’évidence, il est pécheur. Il ne s’agit pas pour nous de nous imaginer criminel et pécheur pour nous fouetter le dos, mais de voir combien le mensonge s’est installé dans notre vie, combien nous avons perdu le désir d’être des saints, combien la mollesse spirituelle nous gagne.
Certains d’entre vous le savent depuis plus de 10 ans je suis en position d’éducateur vis-à-vis d’adolescents. Et j’essaye tant bien que mal de leur apprendre à être vrai. Comme il est plus facile de faire grandir un jeune avec qui on peut parler en vérité. Même si le jeune me dit qu’il n’est pas d’accord avoir moi, que ça l’ennuie profondément (en général il utilise d’autres mots) ou qu’il serait mieux ailleurs. Car alors une relation vraie peut s’installer.
La prière, frères et sœurs, est cette relation vraie avec le Seigneur. Elle est un chemin d’humilité, car nous avons tous besoin de reconnaître que face à la grandeur du Don de Dieu nous ne sommes pas à la hauteur. Comme saint Paul nous pouvons humblement rendre grâce pour les dons que le Seigneur nous a fait dans notre histoire. Comme le publicain nous pouvons confesser combien nous avons besoin de la miséricorde de Dieu.
Oui, être saint ce n’est pas être parfait ! Le saint n’est pas celui qui ne pèche jamais, le saint est celui qui se relève après chaque chute. Il est dans nos vies des péchés récurrents, des péchés humiliants peut-être, des péchés qu’il est difficile de dire en confession. Et a 13 ans, à 40 ans ou à 75 ans on peut avoir sur la conscience de tels péchés. Mais je vous en supplie, au nom du Seigneur Jésus : laissez-vous vaincre par le Seigneur, offrez-lui votre misère. Vous goûterez à l’abondance de sa joie ! Quelle joie profonde et vrai nous pouvons ressentir à la fin d‘une belle confession lorsque nous nous sommes plongés avec délice dans la miséricorde. La confession frères et sœurs est une formidable école d’humilité. Comme le publicain je cri vers le ciel mon désir d’être sauvé, je reconnais que je ne suis pas à la hauteur de la sainteté que Dieu attend de moi.
Le démon, le malin ne supporte pas la confession précisément parce qu’en plus d’être prince du mensonge il est maître de l’orgueil. Il va donc toujours nous mettre des bâtons dans les roues pour ne pas y aller. Par exemple : « non pas aujourd’hui, ton fils doit faire ses maths… il faut que tu l’aide », « non pas aujourd’hui, là il pleut » « non pas avec ce prêtre je ne l’aime pas » « je le ferai lors de mon prochain pèlerinage à Lourdes ce sera bien… » ou encore « mais qu’est-ce que le père va penser si je lui dis cela… ». Toutes ces pensées frères et sœurs ne sont pas de Dieu elles sont du malin : lui veut nous désespérer, nous affaiblir, nous enorgueillir.
Mais attention pas la confession pour me regarder moi même et me désespérer, la confession où je regarde d’abord l’amour de Dieu et je lui offre, comme dit Sainte Thérèse mes péchés « dans le brasier ardent de sa miséricorde ». Chaque péché pardonné est une occasion de grandir dans l’humilité. J’aime à dire aux chrétiens que je rencontre que si l’Église nous indique qu’il faut se confesser au moins une fois l’an, la réalité de nos vies, les multiples tentations auxquels nous sommes confrontés dans la cour du collège ou dans l’entreprise nous invite à nous confesser bien plus.
C’est bientôt la fin de l’année de la miséricorde, alors pourquoi ne prendrions-nous pas comme résolution ferme de nous confesser avant chaque grande fête : avant la Toussaint, avant Noël, au début du Carême, avant Pâques, avant la Pentecote et avant le 15 août…
C’est une formidable occasion de s’abaisser devant le Seigneur pour être élevé par la grandeur sa miséricorde. La confession est une prière véritable qui touche le cœur de Dieu : une prière « qui parvient jusqu’au ciel, qui traverse les nuées… » comme nous l’entendions dans la première lecture. Ma vie a changé lorsqu’à 17 ans, par l’entremise d’un jeune diacre fraîchement ordonné, le Seigneur m’a remontré le chemin de la confession. Alors, je vous en supplie vivement et humblement : confessons notre foi en la miséricorde de Dieu, confessons nos péchés, nous grandirons dans l’humilité et nous deviendrons pour le monde les saints du XXIème siècle !
Amen !