Ne rien préférer à l’amour du Christ !

La dernière fois que le Seigneur m’est apparu en songe, c’était il y a quelques semaines, je le voyais un livre à la main. Je me suis approché doucement. Il faisait un peu sombre et Jésus semblait un peu contrarié. Je lui demande : « Seigneur pourquoi fais-tu cette tête ? il y a quelque chose qui ne va pas ? ». Il se tourne vers moi et me dit : « Ah tien toi l’abbé tu tombes bien… quand je regarde la terre je me dis qu’ils n’ont toujours pas compris ce que j’ai voulu leur dire dans l’Évangile »… Je m’approche et m’aperçois que la Bible du Seigneur était ouverte sur l’Évangile d’aujourd’hui. Je lui ai alors dit : « Ca tombe bien Seigneur, parce que figure Toi que je dois prêcher sur cet Évangile le lendemain de mon ordination et que c’est un peu coton… je crois que le Père André était très content de se débarrasser de cette petite homélie… ». Jésus me regarda alors tendrement comme il le fait avec nous tous quand nous nous lui parlons en vérité et il dit : « Dis-moi simplement ce que tu comprends pas ».

« Bah c’est assez évident non ? pourquoi est-ce que tu fais l’éloge d’un gérant trompeur ? Voudrais-tu inciter les enfants à tricher à l’école, les ados à mentir à leurs parents, les  parents à frauder le fisc ? »

Mon cher petit abbé, penses-tu que moi qui suis « Le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6) je pourrais vous inviter à mentir et à tromper ? Dans cet Évangile je loue l’habileté du gérant : c’est un malin !. Je suis parfois étonné combien les hommes, mes frères, sont habiles dans les choses de ce monde. Comment ils savent trouver rapidement une solution pour se sortir d’une difficulté en entreprise, dans le monde des études ou à l’école et comment ils sont parfois empotés dans la vie chrétienne. Combien mon royaume serait florissant si les bons s’occupaient des biens éternels, des intérêts spirituels avec autant de soin que les gens de ce monde de leurs biens matériels.

Seigneur n’y vas-tu pas un peu fort ? Regarde ceux qui vivent près de toi dans la Gloire, Mère Térésa au service des lépreux, que ton Église vient de canoniser, Saint Jean-Paul II et ses voyages dans le monde entier, Saint Maximilien Kolbe avec la presse et la radio, et tous les autres… n’ont-ils pas été d’habiles fils de lumière ? N’ont-ils pas osé utiliser des moyens nouveaux pour ta gloire et le salut du monde ?

Oui tu as raison mon enfant, ceux qui vivent près de moi, qui restent unis à moi, trouvent par ma grâce des chemins nouveaux. Il n’y a que le péché qui soit toujours le même, ma grâce elle produit toujours des fruits nouveaux, combien j’aimerai que mes frères les hommes en soient véritablement convaincus.

Et l’argent dans ton ça mon Seigneur ?

Relis un peu mon Évangile mon cher enfant. Regarde les Apôtres, Pierre et André, lors que je les appelle au bord de la mer de Galilée (Mt 4,18), ils laissèrent là leur filet, c’est-à-dire leur sécurité économique, leur moyen de subsistance, convaincu que me suivre était premier.

Te souviens-tu de ce jeune homme riche (Mc 10,22) qui voulait me suivre pour avoir la vie éternelle mais « qui s’en alla tout triste car il avait de grands biens » qu’il ne parvenait pas à quitter ? Rappelle-toi aussi ce que je disais aux foules qui m’entouraient : « Les renards ont des tanières et les oiseaux de ciel ont des nids ; le Fils de l’homme lui n’a pas où reposer la tête » (Mt 8,20) et plus loin : « Ne vous faites donc pas tant de souci, ne dit pas ‘qu’allons-nous manger ?’ ou bien ‘qu’allons-nous boire ?’ ou encore ‘avec quoi nous habiller ?’  Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le royaume et sa justice et tout cela vous sera donné par surcroît ! » (Mt 6, 31-33)

Enfin Seigneur, tu comprends on ne peut pas vivre de rien, tu ne veux pas que j’invite mes paroissiens de Saint Christophe à vivre sans maison, à partir dans le Larsac en léguant tous leurs biens à l’Eglise catholique tout de même…

Jésus reprit : Effectivement tu as raison, mais « là où est ton trésor là aussi sera ton cœur » (Mt 6,21). Si au fond de toi tu mets ta sécurité dans ton compte bancaire, ton bon salaire, ta réussite économique, peux-tu encore t’appuyer sur moi, le Seigneur et le Maitre ? peux-tu encore me servir et m’aimer ? Ton cœur est pris tout entier, occupé aux affaires de ce monde. « Là où est ton trésor là aussi sera ton cœur ». Souviens de cet homme qui construit un grenier pour y amasser ses richesses (Lc 12,13-21) et qui ne sachant plus où mettre sa récolte décide d’abattre des greniers pour en construire de nouveaux. Que lui ai-je répondu ?

Cherchant en ma mémoire je me rappelais  ses paroles : « tu es fou cette nuit même on va te redemander ta vie, et ce que tu auras accumulé qui l’aura. Voici ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même au lieu d’être riche en vue de Dieu. » ? (Lc 12,20).

Jésus continuait à parler : On ne peut promettre son cœur plusieurs fois, on ne peut servir deux maîtres. Si la fortune, la réussite sociale, la reconnaissance des autres est le but de ta vie alors ton cœur est-il encore libre pour m’aimer et me servir ? Pourtant, moi le Seigneur et le Maitre, j’ai vu des chrétiens très riches, des rois et des puissant entrer dans ma gloire, car ils avaient le désir de me servir « avec un cœur sans partage »[1], parce qu’ils avaient compris que l’argent et les biens qu’ils avaient étaient un moyen d’obtenir la vie éternelle, parce qu’ils ne se sont pas attachés à lui mais qu’avec lui ils ont su faire du bien autour d’eux.

La vie avec moi est toujours un choix, entre honnêteté et malhonnêteté, entre fidélité et infidélité, entre égoïsme et altruisme (cf. Am 8,4-7) Choisis donc la vie ! (Dt 30,30). Choisis donc ce chemin qui monte vers le Ciel et qui conduit au véritable bonheur.

Là-dessus, le sonnerie du réveil me tira de mon sommeil. Il me semblait frères et sœurs qu’il me fallait vous partager ce songe aujourd’hui.

Pour conclure cette déjà trop longue homélie, j’aimerais vous livrer la petite phrase que m’a confié un ami prêtre à la veille de mon entrée au séminaire il y a 6 ans maintenant. Elle a traversé toute ma formation jusqu’à l’ordination. Elle nous vient de Saint Benoit, père du monachisme et raisonne comme un slogan qui colle bien à l’ Evangile de ce dimanche :  « Ne rien préférer à l’amour du Christ » ! À l’école, dans la cour de récré, à la maison, dans le scoutisme, dans le travail, en famille : ne rien préférer à l’amour du Christ ! C’est à cela que le Seigneur nous invite en ce dimanche !

Demandons-lui dans cette Eucharistie la lumière de l’Esprit  afin que, dans toutes nos actions, dans la gestion de nos biens matériels, de notre argent, nous puissions « ne rien préférer à l’amour du Christ » car le Christ est celui qui « n’enlève rien et qui donne tout ». Et j’en suis convaincu nous trouverons la vraie vie.

Amen.

[1] Cf. Prière d’ouverture de la messe du 29ème dimanche de l’année : « Dieu éternel et tout puissant, fais nous toujours vouloir ce que tu veux, et servir ta gloire d’un cœur sans partage. Par Jésus. »