Shalom à vous !
Dans le très bon film les aventures de Rabbi Jacob, il est une scène tout à fait intéressante pour éclairer l’Evangile d’aujourd’hui. Vous y voyez Louis de Funès, alias Pivert, déguisé en Rabbi qui se trouve dans le restaurant de la rue des rosiers. Le magasinier le salue « Shalom » ! de Funes répond « Shalom » et là le grand méchant, Farès pensant que cette salutation était pour lui répond à son tour : « Shalom » ce à quoi de Funès rétorque « Shalom pas vous, Shalom lui… »
Bon Shalom, Shalom, Shalom… qu’est-ce que ca veut dire au juste. Les hébréo phones de l’assemblée sauront dire qu’on traduit cela habituellement par « la paix ». Mais le mot « paix » en français est un peu court pour définir avec précision ce que signifie ce mot de Shalom au point que, dans la bible française, on utilise 25 mots différents pour traduire ce seul mot de Shalom en hébreux. Dans ce mot, il y a l’idée d’un accomplissement plein et entier, total et heureux. Quand on salue quelqu’un en disant Shalom, on lui souhaite une prospérité, un bonheur total.
Difficile paix ?
Cela étant dit, il faut nous l’avouer, Shalom, la paix, fait partie de ces expressions qui sont faciles à dire mais nettement plus difficiles à vivre. Car la paix, ce n’est pas simplement l’absence de guerre. Ce n’est pas parce que je n’ai pas un soldat casqué et botté devant ma porte que je vis vraiment dans la paix dont Jésus nous parle dans l’Evangile. « Ah non mon père, moi je suis en paix avec tout le monde », « ah oui, vous êtes sûr ? et votre belle sœur avec qui vous êtes en froid depuis 12 ans » « ah non mais ça c’est pas pareil ». « et les amis de vos enfants qui n’ont pas la même éducation que les vôtres » « et votre patron qui vous a injustement mis dehors il y a 3 ans »… êtes vous vraiment en paix avec tout le monde ? Et pour les plus jeunes d’entre nous ; Qui ne s’est jamais « embrouillé » dans la cour de récré, dans l’équipe de foot ou au sein de sa patrouille de scouts ?
Quand on cherche bien dans notre vie, on a beau ne pas avoir un caractère belliqueux, bien malin celui qui osera dire qu’il est en paix avec tout le monde et en toute circonstance.
Et je crois que le sommet de notre difficulté est atteint lors des décès des parents et des difficiles successions où la belle paix familiale vole en éclat pour quelques euros ou pour le cadre de grand mère… Non, vraiment, la paix, c’est facile à dire… Mais si difficile à vivre tant les conflits marquent nos couples, nos familles et nos cours de récréation.
Accueillir la paix du Christ : le geste de la paix du Christ
Et pourtant dans l’Evangile, Jésus nous promet cette paix que nous avons bien du mal à voir advenir dans notre condition mortelle : « je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » nous promet-il. Comme nous ne voyons guère cette paix se déployer en nous, on peut légitimement se demander si Jésus ne nous aurait pas menti, ou bien si nous ne serions pas un peu aveugle et incapables de voir la réalisation concrète de cette promesse.
Pourtant, je le crois, ce que Jésus veut nous donner, c’est ce Shalom dont nous parlions tout à l’heure, avec tous ces sens. Il nous promet la plénitude de notre vie. Il nous promet une vie réussie, c’est-à-dire une vie ordonnée. Une vie avec Lui. Une vie où tout s’agence par rapport à Lui. Une vie où l’amour qui dirige toutes nos actions est l’amour de Dieu. Une vie qui est organisée selon ses paroles et ses commandements. C’est ainsi qu’il peut demeurer en nous. Cette promesse s’accomplira dans la Jérusalem céleste dont nous parlait la 2ndlecture. Cette ville où Dieu règne en tout et en tous.
Cela signifie que la paix, avant d’être quelque chose que je peux construire moi même, est d’abord une grâce à accueillir. Un cadeau du ciel, un don qui vient d’en haut pour me transformer, pour transformer ma vie, pour transformer ma famille et ma paroisse.
A propos du geste de paix : accueillir pour transmettre
Au cours de la messe nous commençons d’abord par recevoir la paix de Dieu avant de la transmettre aux autres. Nous entendons en effet d’abord le prêtre dire ou chanter : « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous ». avant que les fidèles échangent un geste de paix. Quelle que soit notre sensibilité liturgique, il me semble très essentiel de revenir au sens profond de ce geste de paix. « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » nous dit Jésus. Ainsi donc, le geste de paix est d’abord l’accueil communautaire d’un don de Dieu. Ensemble, d’une seule voix, en répondant « et avec votre esprit », on souhaite de tout notre cœur accueillir la paix qui vient de Dieu. Cette paix nous devons l’accueillir d’abord pour nous-même. Le Seigneur vient, par sa grâce nous donner la paix. Nous donner la paix dans notre vie intérieure, dans notre vie torturée ou joyeuse.
Ensuite vient le temps de transmettre cette paix. J’ai bien dit de transmettre la paix. Ce n’est pas si facile et c’est bien différent de serrer le plus de mains possible, à la manière d’un homme politique à la sortie d’un meeting. C’est aussi bien différent de faire la bise à tous les paroissiens, amis, qu’on n’a pas vu parce qu’ils sont arrivés en retard à la messe. Et bien malin celui qui arrive à souhaiter profondément et spirituellement, à chaque personne dont il sert la main, la paix du Christ. Surtout s’il s’y prend comme dans un bain de foule présidentiel. Dans la liturgie, le geste de paix peut être circonscrit à quelques personnes. Mes voisins de gauche et de droite par exemple, mais en le vivant avec une intensité renouvellée. En famille le père ou la mère n’est pas obligé d’embrasser chacun de ses 6 enfants. On peut tout à fait l’expliquer avant la messe et en discuter en famille. Ou encore profiter de ce moment là pour aller souhaiter la paix du Christ à un membre de la famille avec qui j’ai été désagréable.
Il y a aussi plusieurs manières de transmettre la paix et de la souhaiter. Il nous faut réfléchir dans notre cœur à celle qui est, pour nous, comme pour les autres personnes, la plus appropriée.
Je ne sais pas si vous avez déjà assisté à la messe dans certains monastères, mais la plupart du temps les moines reçoivent la paix en se donnant l’accolade liturgique, et la transmettent au moine suivant de la même manière. Ça a l’avantage d’être un geste qui n’est pas utilisé pour autre chose dans la vie courante.
Par l’Esprit, devenir artisan de paix !
Enfin, frères et sœurs bien aimés, il me semble important de bien souligner que la paix divine, la paix que nous nous transmettons dans ce geste, n’est pas le bien être. Si vous recherchez le bien être, allez au Spa, au Hammam, allez profiter d’un bain de bulles… ce sera certainement plus agréable. La paix divine, la paix que nous désirons au fond de notre cœur, c’est vraiment l’œuvre de l’Esprit Saint que Jésus nous promet. « le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout. ». Est-ce que nous pensons à demander à l’Esprit Saint de nous donner la paix véritable ? La paix profonde ? Celle du cœur ? Dans 15 jours, ce sera la fête de la Pentecôte, c’est donc le moment de demander dans la prière à l’Esprit Saint ce dont nous avons besoin ! Si le Christ nous l’a promis c’est qu’il nous la donne… si nous osons la lui demander et l’accueillir. Demandons la paix de l’Esprit ! Avec ardeur, je suis sûr que vous ne serez pas déçus !
N’en déplaise donc à Louis de Funès, le Shalom n’est pas simplement une ritournelle mondaine, une manière un peu distraite de se saluer, c’est véritablement un don de Dieu à demander pour soi-même, à demander pour chacun de ceux à qui je transmets la paix du Christ pendant la messe. Puissions-nous vivre ce geste d’une manière renouvelée en ce dimanche.